mardi 1 décembre 2009

Le nostoc: une fleur de Mars




samedi 28 novembre, Arno, il y a-t-il de la vie sur Mars?


Je suis retourné samedi à ce terrain vague (ce billet du 27 novembre est ici) près de la voie ferrée. J’ai photographié à nouveau l’endroit en panoramas et quelques plans rapprochés. Si tard à la saison il n’y a peut-être pas grand chose à observer au sol. Il n’en est rien, il n’est n’est jamais rien...


molène au pas de tir...plus tard elle visera le ciel!

D’abord il y a l’étoile de terre, la souple, molle et velue molène qui a toujours toute mon affection. Bien habillée (de flanelle ou de Polartec?) elle profite des derniers rayons du soleil et de la dernière chaleur avant le grand manteau blanc. Quelle promesse elle me fait! Je penserai à elle cet hiver... ça me gardera au chaud... et on se verra l’an prochain!



quelques petites flaques d’eau ici et là


Je suis venu en fait spécifiquement pour photographier et prendre des spécimens de ces curieux machins aperçus jeudi. La lumière était faible et il faisait froid. Debout sans mes lunettes et d’un coup d’oeil cela ressemblait à des feuilles recroquevillées et mouillées. Après quelques photos-panoramas je m’étais penché pour voir de plus près ces étranges masses brun-vert gélatineuses qui couvraient le sol dans les parties les plus humides. On aurait dit des crachats de lune...



de curieuses algues sur de curieux rivages

Crachat de lune ou crachat du diable, star jelly, witches butter et mare's eggs. Des algues terrestres? Ne poussent-elles qu’à ce moment de l’année? Cela expliquerait que je ne me souvienne pas d’en avoir vu auparavant... novembre n’étant pas mon mois préféré pour sortir botaniser et prendre un marche... je devrai peut-être réviser mes calendriers, ça vit aussi tard à l’automne! Merdre! Je devrai aussi sortir l’hiver!




des pelotes gélatineuses

Il y a beaucoup moins de plantes à documenter et je pensais me consacrer à des éléments discrets de la biodiversité urbaine. D’abord les lichens corticoles (qui colonisent l’écorce des arbres), les mousses et maintenant ce qui ressemble bien à une algue terrestre que je n’avais pas remarqué avant. Je suis donc bien servi: une espèce inconnue!



ouvrir un peu la chose

Ce n’est pas une algue avec de la chlorophylle, c’est une cyanobactérie terrestre: le Nostoc commune. Une de ces pelotes est en fait une colonie de bactéries liées par de la gélatine. Le genre d’organisme qui vivrait probablement sur Mars! Cette espèce est parfaitement adaptée à la vie dans les conditions les plus extrêmes.

Les nostocs peuvent être dormant longtemps en l’absence d’eau et prolifèrent rapidement dès qu’il y en a. Leur apparition soudaine est alors ce qui leur vaut le nom de crachat de lune, une oeuvre du diable! Toute l’illusion de la génération spontanée dans un terrain vague... et dire que je croyais ne rien trouver! Le nostoc possède en plus des pigments absorbant les UV-A et UV-B, il peut donc non seulement survivre à des fluctuations extrêmes et des cycles de température et d’humidité mais aux radiations UV aussi!

Cette curieuse algue a donc toutes les qualités d’une espèce colonisatrice d’espace ouvert et nu: elle est une “préparatrice” de sol. Sa décomposition est un ajout de matière organique azotée utile aux espèces végétales qui suivront. Un peu à la façon de la famille du trèfle, ces bactéries phototrophiques sont fixatrices d’azotes et sont des éventuels candidats très intéressants à l’agriculture: un bon engrais quoi!

On pourra donc cultiver des carottes sur Mars!




7 commentaires:

  1. Tout ce qu'on peut découvrir dans quelques mètres carrés quand on sait y regarder...

    Le Nostoc : mais c'est passionnant, ça! Dans mon billet sur les stromatolites vieux de 440 millions d'années et plus [http://geo-outaouais.blogspot.com/2009/11/colonie-de-stromatolites-gatineau.html], j'expliquais que ces structures avaient été édifiées par des films lithifiés de cyanobactéries qui empilaient comme des crêpes... Et voici que je fais connaissance avec leurs descendantes tombées de la lune dans un terrain vague de Montréal!

    Comme le monde est petit. Je suis content de voir à quoi ressemble des spécimens vivants...

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  2. Oups. Il aurait fallu lire (disons plutôt qu'il aurait fallu que j'écrive) «qui s'empilaient comme des crêpes» et «à quoi ressemblent».
    Quand on écrit trop vite, on empile les bourdes...

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  3. Oups. Il aurait fallu lire (disons plutôt qu'il aurait fallu que j'écrive) «s'empilaient» et «ressemblent». Quand on écrit trop vite, c'est les gaffent qui s'empilent...

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  4. Comme vos bourdes ne sont pas lithifiées elles ne s'empileront pas! Quant au Nostoc je crois bien que c'était la première fois que je voyait cela. Un ordre du vivant assez discret! J'essaierai d'y retourner pour constater la forme déshydratée. Par ailleurs sommes-nous donc, sans le savoir, dans une époque géologique et des fossiles se font devant nous en temps réel? ;))) Étrange qu'on l'oublie, non?

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  5. J'ai toujours l'impression que nous marchons sur la pointe d'un immense iceberg avec une vie foisonnante à découvrir tout près de chez soi .

    Ton billet en fait encore une fois la démonstration .


    Merci !

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  6. On dirait des choux de Bruxelles trop cuits, ces Nostocs.

    Pour être fossilisé, faut être recouvert rapidement après décès (ou même de son vivant, c'est un détail vite corrigé) sous une couche de sédiments assez épaisse pour priver d'oxygène les bactéries responsables de la décomposition de l'organisme et empêcher les charognards de venir prélever leur collation de 15 h.

    De plus, nous vivons depuis quelques centaines de millions d'années sous un régime d'érosion : le continent s'use, rien ne s'y accumule (à l'échelle des temps géologiques). Si même les dinosaures n'ont pas réussi à se faire fossiliser au Québec (le Mont-Royal, qui date d'un peu plus de 100 millions d'années, s'est formé à 2 km de profondeur - de mémoire, ces chiffres -, mesurez tout ce que nous avons perdu en sol, sous-sol et sous-sous-sol depuis...), je crois que nos malheureux Nostocs seront perdu à jamais pour la postérité géologique.

    Comme je n'écris pas de chez moi, je m'inscris sous l'identité «anonyme». C'est plus commode.

    Henri Lessard

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  7. Dominique Ferraton4 décembre 2009 à 21 h 53

    Quelle créature fascinante!

    Le terrain au complet semble valoir un détour aussi, je vais essayer de le visiter avant la neige...

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