lundi 2 septembre 2013

Les haies du Champ des Possibles



Pour le bénéfice des lecteurs de Flora Urbana, je publie ici une version d'un document que j'ai partagé sur la page Facebook des Amis du Champ des Possibles et ailleurs. Vous pouvez télécharger ce document ici.


Un boisé linéaire accidentel: une haie au parc Rutherford. Je vous en ai parlé ici.

Une proposition visant la conservation et l'enrichissement des haies du  
Champ des Possibles 
suivies d'une 

Liste des espèces ligneuses (arbres, arbustes, etc.) 
présentes ou à y planter.



Une haie dans une friche agricole au Cap Saint-Jacques

Depuis le début du projet du Champ des Possibles, nous parlons d'un aménagement minimaliste pour cet espace de rencontre entre la nature et les humains. On y trouve essentiellement deux éléments: la zone d'activités humaines et la zone naturelle. Tout comme nous conservons les sentiers spontanés déjà en place (les lignes de désir) pour la circulation, nous conservons les éléments paysagers (haies et prés) déjà en place. Ces derniers sont les formes de désir de la nature. La règle clairement énoncée pour l'aménagement est bien de faire avec. Il s'agit d'une coproduction.

Comment maximiser la biodiversité en milieu urbain?

Depuis 2009 je donne la même réponse à cette question: elle se trouve au CDP même, dans les haies et les prés adjacents. Ce couple est un produit spontané familier en milieu humain (anthropisé). Ce sont des processus écologiques plus ou moins autonomes qui l'ont dessiné. La forme paysagère de la haie, tant en milieu agricole qu'urbain, est ce qui résiste aux pressions humaines. Elle est ce qui est possible après que les humains se soient approprié presque tout l'espace. Il n'est pas étonnant que les haies soient riches en espèces, denses et morphologiquement complexes: la nature répond à la pression par une densification et une diversification. Elle aménage ainsi avec un art consommé l'espace qui lui permet de s'épanouir. Elle aussi fait avec...

Dans ce texte il n'est question que de l'enrichissement des haies au CDP. Il s'agit d'amorcer le travail d'enrichissement des haies de la zone naturelle. En écologie c'est toutefois l'interface de deux milieux qui est la plus riche en espèces: cela se nomme un écotone ou effet de lisière. L'interface entre une haie et un pré produit justement un écotone. Nous devrons éventuellement aussi planter des herbacées dans ces prés, par exemple: un jardin à papillon.

Depuis quatre ans j'ai visité de nombreuses haies de la région de Montréal afin de mieux comprendre les processus naturels qui s'y déroulent. En milieu urbain dense, certaines sont des vestiges de l'époque agricole, d'autres sont spontanées comme au CDP. En milieu rural j'ai observé des haies matures et exubérantes. J'ai aussi noté les espèces végétales qui les composent.

Tiré d'un livre en préparation (Le Bocage Urbain), ce document propose formellement un "aménagement" s'inspirant de mes recherches et découlant de l'état actuel du CDP pour la partie Sud. Les idées énoncées s'appliquent toutefois à l'ensemble des haies du CDP.


Une haie en milieu agricole à Ville Saint-Laurent (voyez aussi ici)

L'adoption de la forme paysagère de la haie est une solution écologiquement fonctionnelle. Elle répond au problème de la rareté des espaces disponibles pour la biodiversité urbaine.

En milieu agricole, sous le nom contemporain de brise-vents, les haies ont un rôle utilitaire polyvalent: protection des sols contre l'érosion, amélioration du rendement des cultures, etc. On reconnaît bien sûr la valeur de ces habitats et biocorridors pour la faune et la flore mais ces fonctions écologiques viennent souvent en second plan. Elles sont néanmoins bien réelles.

La haie n'est pas un corps étranger en ville. Au contraire, comme la grille urbaine s'inscrit sur la grille agricole d'autrefois, les haies sont omniprésentes, bien que souvent vestigiales, embryonnaires ou peu remarquées. Elles ont des rôles équivalents à ceux des haies en campagne: amélioration de la qualité de l'air, réduction des îlots de chaleur, absorption des eaux de pluie, etc. Bien des problèmes environnementaux sont atténués grâce aux haies. À cela s'ajoute évidemment les bénéfices d'une nature diversifiée.

Réserver des espaces verts pour la biodiversité en milieu urbain ne devient vraiment utile que lorsqu'on s'assure d'une interconnexion entre ces milieux. Si les espaces résiduels (les friches industrielles, par ex.) peuvent connaître une conversion en habitat enrichi, il peut être plus difficile (vu la rareté de l'espace disponible) d'assurer la connexion entre tous les éléments de la mosaïque verte, le bocage urbain.

Toutefois si ce n'est pas tant la grandeur des superficies que la continuité qui est recherchée, les espaces linéaires disponibles sont abondants. Pensez aux abords des voies ferrées, des autoroutes et des autres voies de circulation ou même autour des stationnements.

Tous ces espaces sont convertibles en boisés linéaires diversifiés qu'on peut aussi appeler: des haies urbaines. C'est une solution paysagère qui s'insère naturellement (ou artificiellement…) dans la trame urbaine et qui permet de connecter les espaces verts.

Tant en ville qu'en campagne, la haie est un élément important afin de diminuer la fragmentation des habitats. Nous avons déjà des haies qui délimitent le Champ des Possibles. Celui-ci peut devenir un modèle de l'utilisation des haies...


Quelques définitions: une haie est un alignement d'arbres (naturel ou artificiel). Le bocage est un paysage (rural ou urbain) où on trouve un réseau interconnecté de haies, de boisés et autres espaces verts. 



Bocage agricole "jeune", Île Bizard, 1949

Bocage agricole "mature", île Bizard, 2008

 Superposition des deux illustrations précédentes.

Les trois cartes ci-haut sont des mêmes parcelles agricoles de l'île Bizard et montrent que la croissance des haies en 60 ans est importante. Les connexions qu'elles établissent entre les boisés et les friches sont bien évidentes. La forme paysagère de la haie est une solution écologiquement fonctionnelle.


Les haies du CDP en 2011. Elles sont en croissance et entourent l'espace.

Le CDP dans le bocage désarticulé du Plateau-Mont-Royal.

On peut imaginer l'effet qu'aurait sur la biodiversité l'enrichissement des haies ou leur établissement, le long de la voie ferrée par exemple (la grande courbe partant au milieu à l'extrême droite et touchant le CDP.



 La partie du Sud du CDP.

L'aménagement proposé des haies rencontre les priorités énoncées dans le document-synthèse du Champ des Possibles rédigé en 2009. Tant le caractère patrimonial, par la conservation des "sentiers progressivement dessinés par les passants" que la place à la nature, en "augmentant la biodiversité et les infrastructures naturelles" sont respectés.

L'aménagement ci-haut (le plan de plantation) est en accord avec les lieux et s'inspire des processus spontanés. La morphologie des haies et du paysage seront essentiellement les mêmes et seule la composition des espèces sera modifiée. Plus il y aura d'espèces indigènes, plus l'impact écologique positif sera grand.

L'empreinte visuelle que laisseront ces plantations sera peu perceptible ou, du moins, ne sera guère différente de ce qu'elle aurait été après quelques années de croissance naturelle des haies. Comparer des photos sur seulement cinq années c'est constater que les haies sont en densification. Les oiseaux en sont les principaux jardiniers...

Cet enrichissement n'est qu'une accélération d'un processus déjà en cours. Des cornouillers rugueux (Cornus rugosa, malheureusement détruits) se sont installés ici et là et, lors du Bioblitz du 17 août, une nouvelle espèce d'arbuste a été trouvée: une viorne (Viburnum sp.), les deux espèces sont très attrayantes pour les oiseaux… La validité écologique du concept de l'enrichissement des haies s'est établie avant même que l'on plante le premier arbre…


Vue en coupe, enrichissement de la haie Henri-Julien, CDP

L'illustration ci-haut schématise les caractéristiques d'une haie en milieu agricole. Morphologiquement elle ne diffère guère des haies qui se trouvent déjà au CDP puisque des processus similaires les ont produites. Ces formes indiquent le mode de plantation dense à l'échelle de chaque haie.

La disposition en strates composées d'espèces de différentes tailles, textures et densités produit un ensemble de micro-habitats. Chaque espèce d'oiseau ou d'insecte y trouvera sa niche. 

Les arbres les plus hauts (érables, chênes, etc.) occupent le centre. Les arbres de moyenne taille (de second étage) ou les grands arbustes fruitiers sont plantés parmi ou devant les premiers, les plus petits arbustes se retrouvent en pleine lumière au pied de la haie. Cette construction étagée est une structure naturelle des haies et assure l'ensoleillement maximal de chaque strate. La productivité de la haie s'en trouve optimisée. Cet étagement de la végétation donne une surface foliaire nettement plus grande que celle de la canopée d'un parc par exemple. Les services environnementaux de la forêt urbaine se trouvent donc démultipliés par des haies denses. 

En écologie du paysage, l'effet de lisière est biologiquement le plus productif. La biodiversité élevée des haies s'explique aussi par le fait qu'une haie compte deux lisières. La vue en coupe ci-haut nous montre du côté gauche de la haie le pré d'herbacées et, à droite, la rue Henri-Julien. Une pareille haie du côté opposé du CDP (haie de Gaspé) aura deux écotones, la haie donnant sur des prés des deux côtés. 


                    L'état actuel de la haie Henri-Julien: il faut la compléter et l'enrichir.

En plus de nous rendre ces fameux "services environnementaux" les haies sont une réponse adéquate aux besoins de la biodiversité. Devant le discours visant la densification du bâti, la densification des espaces verts semble une approche logique.

Optons pour l'innovation et un travail à long terme au Champ des Possibles. Un espace vert différent demande une approche différente. Le maintien et l'enrichissement des haies est ce qui est le plus utile à la biodiversité urbaine.





Liste des espèces présentes ou à planter au CDP

La liste des arbres et arbustes qui suit présente un choix fait en fonction de l'adaptabilité des espèces à un milieu difficile: une friche industrielle en milieu urbain. À peu d'exception près les espèces de cette liste ont été observées dans des milieux anthropiques (friches, haies urbaines et haies agricoles) de la région. Toutes sont des espèces indigènes et offrent du nectar et du pollen, produisent des petits fruits, sont des plantes-hôtes pour les papillons ou servent de couvert ou site de nidification pour les oiseaux. Ce sont des choix faits en fonction de critères écologiques. Ces végétaux seront plantés afin d'enrichir et de compléter les haies déjà présentes au CDP. La haie Henri-Julien est en plein soleil alors que la haie de Gaspé est à mi-ombre. Certaines espèces de sous-étage pouvant être plantées dans une haie ou dans l'autre. Les variétés et les formes horticoles, ainsi que les sujets sur tige sont à proscrire. Des individus d'origine locale (écotypes) seraient souhaitables. Un paillis doit être mis en place et un arrosage régulier sont de mise.

*indique une espèce ligneuse déjà présente au CDP

**indique une espèce dans la pépinière ou en production ailleurs

***indique une espèce présente et nécessitant une gestion

Nom latin puis français suivi des dimensions, "x" pour hauteur puis largeur. "H" pour hauteur seulement.


Famille de la rose (les Rosacées) 
Amelanchier arborea, amélanchier arborescent. H 6-12m
Amelanchier canadensis, amélanchier du Canada. H 8m
Amelanchier laevis, amélanchier glabre. H 5-10m
Aronia melanocarpa, aronie à fruits noirs. 1-2 x 1,5m
Aronia arbutifolia, aronie à feuilles d'arbousier. 2-3 x 1-2m
Crataegus canadensis, aubépine subsoyeuse. H 4-7m
Crataegus crus-galli, aubépine ergot de Coq. H 7-10m
Malus pumila*, pommier cultivé, appletree. H 4-8m
Physocarpus opulifolius, physocarpe à feuilles d'obier. 1 x 3m
Prunus padus*, cerisier à grappes d'Europe. H 10m
Prunus nigra, prunier noir. 4 x 3m
Prunus serotina**, cerisier tardif. H 22m
Prunus virginiana*, cerisier de Virginie. H 5-9m
Rubus canadensis, ronce du Canada. H 2-3m
Rubus idaeus subsp. strigosus, framboisier sauvage. H 1.5m
Rubus occidentalis, framboisier noir, black raspberry. H 1-3m
Rubus odoratus, ronce odorante. 1.5 x 1.5m
Sorbus americana, Sorbier d'Amérique. 8 x 4m
Sorbus decora, sorbier plaisant. 8 x 6m
Spiraea latifolia, spirée à larges feuilles. 1.5 x 1.5m

Famille du bouleau (les Bétulacées) 
Alnus incana, aulne rugueux. 6-10 x 6-10m
Alnus viridis, aulne vert. 3 x 1,5m
Carpinus caroliniana*, charme de Caroline. H 8-12m
Corylus cornuta, noisetier à long bec. 2 x 2m
Ostrya virginiana*, ostryer de Virginie, H 12-20m

Famille du groseillier (les Grossulariacées) 
Ribes lacustre, gadellier lacustre. 1,5 x 1m
Ribes cynosbati, groseillier des chiens. 1,5 x 1m

Famille des Adoxacée (ou Caprifoliacées) 
Sambucus canadensis, sureau blanc. H 2-4m
Sambucus racemosa (pubens), sureau rouge. H 2-4m
Viburnum acerifolium, viorne à feuilles d'érable. H 2m
Viburnum trilobum, viorne trilobée. H 3m
Viburnum lantana* (?), viorne mancienne. H 4m

Famille du saule (les Salicacées) 
Populus balsamifera*, peuplier baumier. H 25 m
Populus deltoides*, peuplier deltoïde. H 30m
Populus xcanadensis*, peuplier de Caroline. H 30m
Salix bebbiana, saule de Bebb. H 8m
Salix discolor, saule discolore. H 8m
Salix petiolaris, saule à long pétiole. H 2-4m

Famille du chêne (les Fagacées) 
Quercus macrocarpa, chêne à gros fruits. H 15-30m
Quercus rubra**, chêne rouge. H 25m

Famille du pois (les Fabacées) 
Caragana arborescens*, caragana arborescent. 5 x 3m

Famille du noyer (les Juglandacées) 
Carya cordiformis, caryer cordiforme. H 25m
Carya ovata, caryer ovale. H 25m
Juglans cinerea, noyer cendré. H 25m
Juglans nigra*, noyer noir. H 30m

Famille de l'érable (les Acéracées) 
Acer ginnala***, érable ginnala. H 6m
Acer negundo***, érable à Giguère. H 20m
Acer nigrum, érable noir. 30-35 m
Acer platanoides***, érable de Norvège. H 15m
Acer rubrum, érable rouge. H 15-25m
Acer saccharum**, érable à sucre. H 30-35m
Acer pensylvanicum, érable de Pennsylvanie. H 5-10m
Acer spicatum, érable à épis. H 5m

Famille du cornouiller (les Cornacées) 
Cornus alternifolia, cornouiller à feuilles alternes. 5 x 5m
Cornus racemosa, cornouiller à grappes. 2 x 2m
Cornus rugosa, cornouiller rugueux. 1.5 x 2m
Cornus stolonifera, cornouiller stolonifère. 2 x 3m

Famille de l'olivier (les Oléacées) 
Fraxinus pennsylvanica var. austini*, frêne rouge. H 25m

Famille de l'orme (les Ulmacées) 
Celtis occidentalis*, micocoulier occidental. H 18-20m

Ulmus americana*, orme d'Amérique. H 35M

Ulmus pumila***, orme de Sibérie
Ulmus rubra**, orme rouge. H 25m

Ulmus thomasii**, orme liège. H 25m

Famille de l'oranger (les Rutacées) 
Zanthoxylum americanum, clavalier d'Amérique. H 2-5 m

Famille de la vigne (les Vitacées) 
Parthenocissus quinquefolia*, vigne vierge à cinq folioles.
Vitis riparia*, vigne des rivages.


Famille de l'acajou (les Anacardiacées) 
Rhus typhina*, sumac vinaigrier. H 6m

Famille du pin (les Pinacées) 
Picea glauca**, épinette blanche.
 
Famille du staphylier (les Staphyléacées) 
Staphylea trifolia**, staphylier à trois folioles.


5 commentaires:

  1. Bonjour Roger Latour,
    je m'appelle Lila Benzid, je suis etudiante a McGill en environnement et je travail presentement avec mon equipe sur le champs des possibles! Nous essayons de trouver des solutions pour rendre le champs des possibles plus attractif et securitaire pour les Montrealais (par la creation de panneaux d'information a l'entree du parc par exemple) tout en optimisant la biodiversite du champ des possible en suivant vos recommendations.
    Nous aimerions vraiment vous rencontrer pour en discuter ensemble.
    Ou puis-je vous contacter?
    En esperant vous rencontrer bientot,
    Lila

    RépondreEffacer
    Réponses
    1. Bonjour,
      Je suis curieuse de connaitre vos conclusions.
      Je travail aussi sur ce site dans le cadre de ma maitrise en architecture de paysage à l'Université de Montréal.

      Merci
      Caroline

      Effacer
    2. Mes conclusions? Voulez-vous élaborer en m'écrivant à mon adresse courriel?

      Effacer
  2. Bonjour, mon adresse courriel se trouve dans la colonne à droite! Si vous ne trouvez pas la voici: latour(at)cooptel(dot)qc(dot)ca

    RépondreEffacer
  3. Bonjour,

    Je suis résidente de coteau du lac et hier hydro quebec coupait les arbres pour protéger ses fils. J' ai un arbre spécial et je ne suis pas capable de l'identifier. Soit c'est un celtis occidentalis ou un ulmus thomasii. Est-ce possible de l'identifier seulement avec l'écorce ou dois-je attendre à cette été pour identifier les feuilles? J'ai demandé de ne pas le couper, mais la personne en charge devra revenir pour évaluer!

    merci, Caroline

    RépondreEffacer