jeudi 3 octobre 2013

Notman: un Jardin Historique 1



Le Jardin Notman il y a quelques années...

L'intérêt patrimonial des maisons bourgeoises du 19e siècle et leur protection n'inclût malheureusement pas les jardins qui les entouraient. C'est une petite charcuterie historique déplorable. La conservation des maisons historiques et leur protection par le Ministère de la Culture devrait inclure par défaut les jardins attenants. Le cas de la Maison Meredith-Notman est assez emblématique de décisions à courte-vue: la maison est protégée mais là ou elle est sise, le jardin, on (re)connaît pas!
 
Cette logique conduira peut-être un jour à déplacer tout simplement les maisons historiques afin de permettre à la spéculation immobilière de librement s'exercer...


Le trait rouge indique l'emplacement de ce jardin.

Heureusement, les temps changent: le patrimoine, ce n'est plus que le minéral! C'est bien beau la pierre grise, mais ya pas que ça! Même nos discours contemporains sur la canopée et les services environnementaux rendus par les arbres gagneraient de richesse à s'intéresser, non seulement au patrimoine vivant actuel, bien sûr, mais aussi au patrimoine vivant historique.

Et c'est ici que ce jardin devient intéressant.


Vue sur le Jardin depuis la rue Milton

Tout au cours du 19e siècle de nombreux essais d'introduction de nouvelles espèces d'arbres ont eu lieu. Si beaucoup de ces arbres sont aujourd'hui disparus, la plupart de ces nouveautés sont en fait aujourd'hui encore présentes et tout simplement oubliées… 

Le Jardin Notman est connu pour les colossaux Érables argentés (Acer saccharinum, Silver maple) que l'on voit bien sur la première photo. Le site est aussi connu pour les Chicots féviers (Gymnocladus dioicus, Kentucky coffee-tree) qui se reproduisent naturellement sur place. Cette dernière espèce est intéressante, à coup sûr, mais il y a bien autre chose que l'on trouve au Jardin Notman.


 Vue sur le Jardin depuis la rue Saint-Urbain.

Pensons au cas intéressant de l'Orme lisse (Ulmus laevis, European white elm) que l'on trouve (inconnu…) au parc La Fontaine ou au parc Jeanne-Mance pas si loin d'ici*. L'Orme lisse a justement été trouvé dans une ruelle pas loin du Jardin Notman. De plus, un échantillon laisse croire qu'il se trouve très probablement sous une forme juvénile dans le Jardin Notman. Il faudra confirmer.

Trouvez à la fin du billet une liste faite à partir d'un échantillonnage imparfait que Charles L'Heureux et moi avons fait il y a quelques mois. L'accès au jardin n'est pas facile...

*Pour rappel, voyez la série de billets sur cet arbre: ici, ici et ici.


 Vue sur le Jardin depuis le boulevard Saint-Laurent.

Par son emplacement le Jardin Notman est représentatif (sous un forme encore à révéler…) d'une époque. Les propriétaires successifs de la maison faisaient partie de l'élite anglophone du 19e siècle. Une des plus importantes caractéristiques des jardins de ces villas était le choix des arbres qui étaient mis en valeur. La présence du Chicot févier est justement emblématique de la volonté d’apparat par le choix d'arbres exotiques, venant de plus au sud (États-Unis ou Ontario) ou souvent européens, qui signalaient le raffinement et le confort matériel.  


La rue Clark: perso j'agrandirerais le Jardin Notman de ce côté...

Tout à côté de la maison Meredith-Notman se trouvait la maison Torrance-Molson (aujourd'hui disparue). Je ne sais pas encore très bien ce que contenait autrefois le Jardin Notman. Par contre le spectaculaire jardin Molson (en 1834) peut nous en donner une idée:

"Dans le jardin de M. Molson on trouve une grande variété de fruits tels que Pêche, Nectarine, Abricot, Pomme, Poire, Prune, Cerise et Raisin. M. Molson a aussi un Arboretum canadien et son jardin est extrêmement bien soigné sous la direction de M. Millan"

Chez les Molson je sais par ailleurs que l'on trouvait un Platane occidental (Platanus occidentalis, American sycamore). Un siècle et demi plus tard nous commençons à  planter à nouveau cet arbre à Montréal... Ces maisons étaient le site d'expérimentation et d'introduction d'espèces que nous redécouvrons aujourd'hui. C'est le cas du résistant et adaptable Chicot févier évidemment. Mais c'est le cas de bien d'autres! 


Cet été au Jardin Notman...

Notre patrimoine arboricole est bien mal connu il me semble. Nous ré-écrivons l'intérêt pour les arbres avec des préoccupations contemporaines: la volonté d'augmenter la canopée pour réduire les îlots de chaleur par exemple. Cela nécessite un catalogue élargi d'arbres résistants en milieu urbain. Nous redécouvrons ainsi des arbres qui étaient à l'essai il y a 100 ou 150 ans... Nous découvrons alors que même les jardins peuvent avoir un intérêt historique et, sauf erreur, nous n'avons aucun jardin du 19e siècle à Montréal.

Alors pourquoi ne pas faire du Jardin Notman un jardin historique typique du 19e siècle? Nous pourrions y avoir des arbres indigènes ou exotiques et des arbres fruitiers extraordinairement variés. Avec l'intérêt renouvelé pour les arbres fruitiers en milieu urbain, ce serait un succès! Assurons-nous toutefois de corriger d'abord la situation: qui a eu l'idée saugrenue de percer le site avec un bout de la rue Clark!?

À la Maison Notman, le Jardin Historique est bien là, à nous attendre. Nous avons une occasion rare de le révéler et de le valoriser.


Liste des espèces ligneuses (arbres, arbustes, etc.) au Jardin Notman

Nous n'avons pas eu accès au jardin proprement dit. Certaines espèces ne peuvent être confirmées, d'autres étaient reconnaissables même de loin. Le rapport d'expertise de 2004 parle de l'If du Canada. Nous pensons qu'il s'agit d'une autre espèce*. La liste est dressé par Charles L'Heureux et Roger Latour.

Cerisier de Virginie, Chokecherry, Prunus virginiana
Cerisier de Virginie, Chokecherry, Prunus virginiana 'Schubert'
Amandier de Chine, Flowering Almond, Prunus triloba
Pommetier, Crabapple, Malus sp.
Chèvrefeuille de Tartarie, Tatarian honeysuckle, Lonicera tatarica
Vigne vierge à cinq folioles, Virginia creeper, Parthenocissus quinquefolia
Frêne rouge, Red ash, Fraxinus pennsylvanica
Lilas commun, Common lilac, Syringa vulgaris 
Chicot févier, Kentucky coffee-tree, Gymnocladus dioicus 
Érable argenté, Silver maple, Acer saccharinum
Érable de Norvège, Norwegian maple, Acer platanoides
Érable négundo, Manitoba maple, Acer negundo
*If commun, English yew, Taxus baccata
ou
*If du Japon, Japanese Yew, Taxus cuspidata
Orme d'Amérique, American elm, Ulmus americana
Orme lisse, European white elm, Ulmus laevis (à confirmer)
Orme rouge, Red elm, Ulmus rubra
(à confirmer)  
Nerprun cathartique, Common buckthorn, Rhamnus cathartica
Épinette bleue, Colorado spruce, Picea pungens
Marronnier d'Inde, Horsechestnut,  Aesculus hippocastanum


Je vous reviens sur ce sujet samedi...

 

10 commentaires:

  1. Très bel endroit et belle varitété. Tout à fait d'accord, quel con à perçé le jardin?? L'historique que tu nous donnes est très intéressant. Vous parlez de patrimoine toi et Charles et vous me faites penser à des récits que j'ai lus au sujet des peuples Wendats (il me semble). Certains de nos honorables ancêtres avaient décidés de couper quelques arbres centennaires, situés dans le territoire des autochtones, ai-je besoin de spécifier que ceux-ci n'étaient pas très contents et que ces arbres étaient très vieux? Eh bien, aussi violent que cela puisse paraître (de notre point de vue), les responsables de l'abattage fut... abattus eux aussi! La raison est simple, c'était leur patrimoine et pour eux, les arbres font parti de la famille. Je ne dis pas qu'il faudrait faire pareil, par contre ! :)

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  2. Malade ! quand je cherche une info, la plupart du temps, t’es a déjà parlé ! merci !

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  3. Malade ! quand je cherche une info, la plupart du temps, t’es a déjà parlé ! merci !

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  4. est-ce qu’il existe une liste, mais avec l’âge estimé et environ l’emplacement des grands arbres ? il y a en a au moins 6 de très imposant, mais j’ai regardé vite au travers les clotures, merci !

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  5. «Je vous reviens sur ce sujet samedi...» as t’il eu une suite ?

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  6. Je roule ma bosse Frak... et j'ai pas mal de milage...

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    1. peut-être enlever à la fin du texte : «Je vous reviens sur ce sujet samedi...», car l’article est déjà très complet !

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  7. J'y vais en général selon l'intérêt que suscite un texte. Disons que j'y reviendrai ailleurs et autrement, un petit chapitre dans un livre peut-être?

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