mercredi 8 juillet 2015

Pierrefonds-Ouest: aperçu avant la disparition?





Ce bocage humide est le dernier morceau de campagne de l'île de Montréal. Allons-nous le protéger?




La rivière à l’Orme


Et ci-haut, c'est la dernière rivière sur l'île de Montréal, elle coule librement en traversant ce lieu singulier: le bocage humide de Pierrefonds-Ouest. On appelle aussi ces lieux Kestrel Fields, Cap Saint-Jacques Sud, etc. C'est une complexe mosaïque d'habitats différents: essentiellement il s'agit de prairies humides, traversées de haies, avec des friches arborescentes, des boisés, etc. et cela explique la richesse écologique particulière des lieux. Un paysage d'oiseaux... et de bien d'autres choses!

Photo: Michel Lamarche. Plus de photos ici.


Dès que nous sommes arrivés, au détour d'un groupe de Pruniers noirs (Prunus nigra, Canada plum) bien chargés de fruits, nous avons eu droit à une surprise majeure: un couple de Goglus des prés (Dolichonyx oryzivorus, Bobolink)! Je savais qu'on le trouvait dans les parages mais je ne m'attendais pas à la voir tout de suite. Il s'agit d'une espèce menacée et elle niche ici.

Pour mieux connaître cet oiseau lisez le rapport:



La haute floraison de la Valériane officinale (Valeriana officinalis, Common valerian)



Où irons-nous avec cet ultime vestige de l’histoire de l’occupation agricole du territoire? Tout droit vers son effacement? Quand il aura été draîné, ses haies gommées par cette amnésie volontaire, jouissive et si bien stylée de nos développeurs et aménagistes: à coup d'unités de voisinage, de lofts incubateurs et autres idées durables… 


Oui, la disparition c’est bien pour toujours…



Grenouille des bois (Lithobates sylvaticus, Wood Frog). Photo David Fletcher. 


Pourquoi donc construire ici? Nombreux s'interrogent sur ce choix et regardent du côté des lots disponibles dans la catégorie friches industrielles et autres. Il n'y a aucune pénurie de ce côté! Que faut-il croire alors? Que le plaisir de faire table rase d'un bout de campagne vivante est plus grand? Que c'est plus simple et économique? 



Le fantasme d'établir tout un quartier en fait saliver plus d'un! 



Lysimaque cilié (Lysimachia ciliata, Fringed yellow loosestrife)


De toutes ces centaines de kilomètres carrés d’autrefois il ne reste que ces quelques ultimes arpens du passé agricole de notre ville. Et ces terres à la riche biodiversité disparaissent partout dans le sud du Québec. 

Aura-t-on l’idée de les préserver? Ne serait-ce pas l'occasion pour le maire d'une métropole de donner ainsi un exemple de poids pour toutes les autres villes de la région? Imaginez le legs incomparable de ce maire! 



Anémone du Canada (Anemone canadensis, Canada anemone) 


Revenons à ces charmants voisins et autres choses vivantes que l'on veut expulser...

Ce sont donc surtout des prairies humides par ici. Pas étonnant que ce soit un paradis pour les saules! Quatre espèces sont sur la liste dressée lors de la visite précédente. Mais je crois bien qu'il y en a deux ou trois de plus. Faudrait être certain...


Le Liseron des haies (Calystegia sepium, Hedge false bindweed)


Saule de Bebb (Salix bebbiana, Bebb's willow)



Les frênes colonisent les parcelles qui sont en friche. La vigne des rivages colonise les frênes... Le milieu grouille de vie, je vous dit! Une gestion assez simple permettrait de maintenir le milieu ouvert, écologiquement si riche. Comme le Goglu, La Crécerelle d'Amérique aimerait bien garder ce terrain de chasse je suis sûr! Je reviendrai plus tard sur les inventaires ornithologiques qui ont eu lieu ici... Vous allez être étonnés!



Certaines haies sont bien habitées par les aubépines (Crataegus submollis, surtout) arbustes emblématiques des milieux agricoles de la région. Dans les parcelles plus sèches les aubépines prennent pieds... Dans un avenir proche (celui où l'endroit sera préservé, n'est-ce pas...) une gestion écologique sera nécessaire. En effet, sans fauche tardive, préservant toutefois nos arbustes indigènes, la présence des nerpruns se révélera vite problématique...



Cicutaire maculée (Cicuta maculata, Spotted water-hemlock)


Silphe d’Amérique (Necrophila americana, American carrion beetle)




Le Cténuche de Virginie (Ctenucha virginica, Virginia Ctenucha) est une espèce typique des milieux humides ouverts. La couleur dominante, brune ici lorsque l'insecte est à l'ombre, est noire en plein soleil. Il faut dire qu'il y avait de véritables petits nuages de ce lépidoptère, apparemment la reproduction se fait en société. Comme j'ai trouvé de nombreux spécimens morts, accrochés par une patte sur la végétation, je me demande s'ils ne meurent pas aussi en masse après la ponte des oeufs fertilisés à la base des graminées?

Les Goglus nourrissent leurs petits de chenilles, nul doute que le Cténuche de Virginie a fournit de nombreux repas...




Je ne connaissais pas ces galles sur les tiges de ce petit Chêne à gros fruit (Quercus macrocarpa, Burr oak). Il s'agit peut-être de la petite guêpe à galles Callirhytis quercuspunctata (Cynipidae). La biodiversité c'est aussi ces petites guêpes qui se font de curieuses habitations...




Je disais que c'était la haute saison des valérianes. Elles dominent toute la végétation à certains endroits! Ailleurs c'est du phéole...



Ici c'est un passage d'un champ à l'autre: ce ne sont pas des sentiers mais de véritables canaux qui traversent les lieux. 


Nous avons des alternatives à l'effacement du bocage de Pierrefonds-Ouest. Développer c'est pas mauvais... envelopper, protéger et conserver c'est pas mal aussi. Développons ailleurs et embrassons des yeux la beauté des lieux.

Vous avez déjà entendu le chant du Goglu, n'est-ce pas? 







7 commentaires:

  1. l’Intégrale du blog devrait être diffusée en continu à la place des panneaux publicitaires meublant les abords des autoroute: peut-être les chauffeurs daigneraient-ils enfin descendre de leurs véhicules et voir cette nature en saccage de plus près...

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  2. nostalgia... cet endroit, ce lieu, c'était notre back yard!... que d'insectes aux formes délicates et fragiles, inusitées et iridescentes, rares et resplendissantes, curieuses et opiniâtres nous y croisions!... mais la faune humaine des environs est une espèce dangereusement rasante et toxique: sous ses 3 paires de lunettes fumées, avec au minimum 2 chars lustrés bordant l'incontournable piscine bleue poudre, cela suffit à faire fuir plus d'un valeureux insecte!!!

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  3. Toujours un plaisir de lire ton blog, Roger. Je le visite régulièrement. Je suis de ceux qui souhaitent davantage de corridors écologiques dans la trame urbaine. Idéalement tous reliés à des grands espaces naturels pas trop dégradés. Je pense ici à ce bocage, qui est le sujet de ton article, mais aussi au Mont-Royal, au Cap St-Jacques, à l'arboretum Morgan, à certains terrains dans l'est de l'ile, etc. La ligne de chemin de fer longeant le Champs des Possibles est aussi à exploiter dans ce sens. Sans compter toutes les ruelles de la ville. Il faut aménager des jardins invitants pour notre faune locale en favorisant les espèces végétales indigènes et les autres qui attirent nos insectes. Le reste suivra. Jean-Claude

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    1. En fait tous les biocorridors que l'on peut imaginer sont déjà là... un potentiel à développer en quelque sorte. Et il y a une nouvelle classe de développeurs qui attendent un emploi, je pense à la grande énergie de la "volonté verte" qui s'exprime par exemple par l'agriculture urbaine. Perso je serais pas fâché d'en détourner un peu les effectifs vers l'enrichissement des biocorridors. Dans mon essai sur le bocage urbain j'esquisse un peu ces idées. Partant du biocorridor de la voie ferrée (qui relie les grands espaces) je suggère justement une connection "locale" avec cette autre trame (quelquefois étonnament riche) qu'est le réseau des ruelles. On pourra lire tout cela bientôt j'espère bien... Merci de me lire!

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  4. Les photos font rêver. J'espère que le cauchemar envisagé ne se réalisera pas ! Que vive le bocage humide de Pierrefonds-Ouest !

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