vendredi 23 avril 2010

Jaune de Norvège: Acer platanoides


corridor jaune, remarquez à droite les nécessités d'Hydro-Québec...

“Les arbres ne fleurissent pas”. Oui! Ils fleurissent! Non seulement les cerisiers ou les autres arbres de la famille de la rose: pommiers et pommetiers, pruniers et amélanchiers, tous avec de belles fleurs si parfumées. Les arbres de la famille de l’érable aussi fleurissent. Et ils sont parmi les premiers: les érables argentés (Acer saccharinum) et les érables à Giguère (Acer negundo) ont déjà passé ce stade discret et sont à fabriquer leurs graines portées dans des fruits ailés: les samares.

Sur les rues et dans nos parcs (ou sur le Mont Royal) les érables de Norvège (Acer platanoides) sont en fleurs. Nous en avons planté des légions de cet arbre et il se propage maintenant tout seul. Sa floraison est néanmoins remarquable et un jaune verdâtre éclatant colore l’ombre grise des trottoirs. Tout jaune au printemps le norvégien sera encore tout jaune, massivement et inmanquablement jaune à l’automne. 





Pourquoi l’avait-on choisi et encore très récemment le choisit-on parmi tant d’autres pour les plantations sur les trottoirs? En grande partie à cause de l’automobile! La pollution urbaine causée par la combustion, le sel de déglaçage des rues combinés à l’espace restreint sur les trottoirs qui n’est qu’un reste de la gloutonnerie des bagnoles. Les piétons sont condamnés à se tasser sur les trottoirs, les arbres sont condamnés à y souffrir ou à survivre médiocrement.





Les trottoirs sont étroits à cause de l’espace occupé par les voies de circulation (et de stationnement, habituellement des deux côtés en plus) exigées par l’automobile. Les trottoirs étant petits on est obigé d’y planter des arbres droits au tronc nu, sans branches. Les humains circulent donc plus facilement mais c’est un décor de carton-pâte que nous traversons. Les arbres des trottoirs sont monotones et indistincts, de véritables caricatures de leur  nature. Il coûterait moins cher d’en planter des versions réglos en plasti.

Le choix restreint des végétaux que l’on peut planter sur les trottoirs découle de l’auto et de ses nombreux impacts directs et indirects. La pression sur la biodiversité n’est donc pas réservée aux grands projets de l’industrie dans les milieux naturels. C’est une réalité urbaine qu’il est toutefois envisageable de corriger. Le coût en est de retirer de l’espace-bagnole et de retrouver ainsi un peu plus d’espace pour plus de végétaux et d’humains à pied ou à vélo.




Feuilles et écorce d’un arbre juvénile, trop jeune pour fleurir. Une fleur staminée, (mâle) d’un arbre adulte.

Introduit par John Bartram en 1756 en Amérique du Nord, où l’érable de Norvège est probablement l’arbre urbain le plus commun, on se rend maintenant compte qu’il peut avoir un impact sur la biodiversité. En milieu naturel ou sur le Mont-Royal par exemple l’espèce est en effet intolérante et élimine efficacement toute compétition. Le puissant norvégien supplantant les érables à sucre (Acer saccharum). C’était la raison initiale de son introduction: il sait faire ombrage... La situation est toute différente sur les trottoirs: c’est un arbre résistant à la pollution qui offre fraîcheur et couleur. La même espèce peut donc avoir plusieurs visages. Tout dépend évidemment du contexte.




On le voit, la place de l’automobile nous maintient dans des raisonnements circulaires et dans une pauvreté sensorielle extrême. Nous avons, en guise de rappel constant de ce fait, des trottoirs dorés. Apprécions.

Pour un supplément d’information:

John Bartram (1699-1777) grand botaniste, naturaliste et explorateur américain

Les érables de Norvège envahissent le Mont-Royal



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