mercredi 25 juillet 2012

Miel de Mur




Près de chez moi sur un mur de brique.


Une plante grimpante bien commune, qui fait du vert à grande échelle dans des endroits autrement impossible à verdir: les murs. Par ici on appelle cette vigne lierre de Boston. Ailleurs le Parthenocissus tricuspidata se nomme vigne-vierge japonaise ou vigne-vierge à trois pointes. C'est une espèce de la famille des Vitacées (14 genres et environ 900 espèces), comme les raisins. Cette plante vient d’Asie de l'est (Chine, Corée, Japon, Russie) et est largement cultivée comme plante ornementale en Europe et en Amérique.


Le nom de genre Parthenocissus vient du grec parthenos (vierge) et kissos, (lierre);* l'épithète spécifique tricuspidata veut dire à trois pointes et cela décrit assez bien la feuille. Malgré le nom générique elle ne se reproduit pas par parthénogénèse… elle est pollinisée par des insectes afin de produire ses fruits qui sont non-comestibles (pour les humains mais les oiseaux en raffolent!)



Ce sont les pétales et les étamines caduques qui tombent et couvrent le trottoir. La veille tout cela état bien vert mais je n'avais pas mon appareil photo. Dommage le cliché aurait été bien décoratif.


Elle est communément plantée depuis longtemps afin de végétaliser les murs et elle gagne à nouveau en intérêt afin de réduire la chaleur urbaine. Mais cette plante grimpante n'a pas qu'une valeur esthétique ou une fonction de régulation thermique, elle a aussi une écologie discrète: j'ai noté qu'une bonne dizaine d'espèce d'hyménoptères (guêpe, abeilles et fourmis) différentes la visitaient.



Le site d'étude: mon balcon et le lierre Boston. Sans oublier mon attrape-plantes!


C'est une écologie assez particulière à coup sûr! La plante n'est pas indigène, tout comme une bonne partie des insectes que j'ai observé la visitant… le milieu urbain est en effet une singularité en terme biologique. Ce sont souvent des écologies nouvelles, anthropogénérées, composées d'espèces réunies artificiellement qu'on y observe. Il est par ailleurs intéressant de songer que cette plante et la plupart des insectes mentionnées dans ce billet se retrouvent, tout en groupe, un peu partout dans l'hémisphère Nord puisque tout ce bazar (plante et pollinisateurs) est implanté partout!




Si vous observez attentivement un thrips se cache derrière une étamine.

Un mot sur les fleurs minuscules mais nombreuses du lierre de Boston. Sur la deuxième photo de ce billet vous voyez les pétales qui couvrent le trottoir au pied du mur où pousse la plante. Je disais qu'ils étaient caduques: ils se détachent de la fleur et tombent. Quand la fleur est encore en bouton chaque pétale forme un capuchon parfaitement ajusté sur un étamine. Quand la fleur s'ouvre pensez alors à une banane que l'on ouvre par les lanières que l'on rabaisse. D'ailleurs sur la photo ci-haut vous voyez un peu de pollen dans ce capuchon. La fleur est d'abord mâle un court moment puis les pétales et les étamines se détachent, la fleur devenant alors fonctionnellement femelle, prête à recevoir le pollen des autres autour. Les fleurs s'ouvrent ainsi sur quelques jours et du nectar est disponible tout ce temps.


Rencontre de deux espèces d'abeilles sur le lierre de Boston.


Il y a toujours des insectes qui visitent les fleurs. Sur la photo ci-haut ce sont deux abeilles différentes qui font provision. En haut d'abord c'est une abeille mégachile, une découpeuse de feuilles (probablement Megachile rotundata) qui prend du nectar et du pollen sans toutefois découper les feuilles. Elle utilisera des morceaux de feuilles (bien enroulés en cigare entre ses pattes) d'une autre plante pour tapisser ses nids qu'elle garnira ensuite de pain de pollen et de nectar pour nourrir les larves. Contrairement à l'abeille domestique et aux bourdons qui ont des corbeilles sur les pattes où accumuler le pollen, l'abeille mégachile a une brosse sous l'abdomen où elle stocke le pollen.



Une autre espèce d'abeille (indigène) qui semble s'intéresser au pollen cette fois.


À quelques centaines de mètres de chez moi on a installé des ruches d'abeilles domestiques dans un jardin entouré d'une haute muraille de pierre grise. Depuis l'an dernier j'observe donc des abeilles à miel un peu partout dans le quartier et elles visitent mon lierre de Boston. Il y a quelques semaines c'était ma vigne vierge, le Parthenocissus quinquefolia, qui avait la même attention de tous ces insectes. (Voyez aussi  ce billet du 7 mai)



Il y avait aussi cette fourmi assez pressée.


Je savais que cette plante est mellifère, mais je n'avais pas observé directement la chose. La quantité de nectar n'est même pas visible… mais son apport (la quantité) en nectar est réputé excellent. Je ne sais pas si c'est à cause du grand nombre de fleurs ou peut-être que la petite la production de chaque fleur s'étend sur plusieurs jours. Cela fait néanmoins un excellent miel, "riche, foncé et fruiteux" dit-on. Je n'y ai pas goûté.


Je n'ai pas photographié les bourdons (genre Bombus) qui y prennent du pollen et du nectar et les guêpes (Vespula et autres) qui avaient aussi à faire par ici dans la grande verdure du lierre de Boston.


Les feuilles bien colorées à l'automne signale la disponibilité des fruits.


Outre le simple verdissement ou les services environnementaux de régulation de température et de filtration de l'air le Parthenocissus a donc des fonctions écologiques importantes en milieu urbain. Il représente une ressource pour de nombreux Hyménoptères.


En plus maintenant je sais qu'il fait du miel et celui qui sera produit dans le quartier aura un peu de nectar de mon lierre de Boston. Mais je ne pense pas avoir l'occasion de goûter à ce miel de mur.






La fourmi, toujours pressée, s'en retourne, nous menant vers d'autres aventures, loin de mon balcon cette fois: vers le fleuve Amour.








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