mardi 9 août 2011

256 pouces carrés de biodiversité 3



Vue d'ensemble du micro-habitat de l'attrape-plantes le 12 juillet.


Je vous ai donc laissé le 13 juillet avec une suite à venir qui ne venait pas… le temps passe vite et j'ai toujours mille autres choses à faire. Les deux précédents billets* ont eu pas mal de lecteurs, je vous remercie tous! Surtout pour votre patience. Il n'est pas facile de reprendre le fil de la narration. Certaines observations n'ont pas été notées et les détails fuient, ce qui n'aide pas du tout! Acceptez donc mes plates excuses pour mes approximations et mon retard à vous parler à nouveau de la biodiversité d'un très petit monde géant : l'attrape-plantes de mon balcon. Allons-y.


Malgré l'intensité de la "récolte", constante pression des nombreuses espèces de guêpes prédatrices, la population du puceron n'avait cessé de croître. Il n'y avait plus ce matin (12 juillet) aucune plante de luzerne lupuline qui soit verte! Toutes sont déséchées, mortes. C'est l'équivalent microscopique du destin de l'île de Pâques! Comme les humains Polynésiens, les pucerons ne connaissent pas le développement durable… Après cette coupe à blanc ils sont déjà partis par les airs et ont trouvé une autre colonie de luzerne. La luzerne de mon attrape-plante, elle, grâce à son nectar qui attira de petites abeilles a de nombreux fruits en maturation. Pas de doute de ce côté, elle sera de retour. En attendant les autres espèces de plantes auront enfin de la lumière et pourront se développer. Une autre écologie est en préparation et ce sont les abeilles qui s'en occupe… qui d'autre?



Vue rapprochée : la luzerne lupuline complètement ravagée par les petits vampires pucerons.


Tout ce temps donc, en parallèle de toute cette orgie de prédations, les abeilles faisaient leurs trucs : boire du nectar ou amasser du pollen. Ce faisant elles pollinisaient les fleurs qui nous referont ce champule (néologisme pour ce petit champ…) de luzerne.


Je ne peux identifier que peu de ces nombreuses petites abeilles et ce sont plutôt leurs comportements généraux que mes trop rapides observations ou les mauvaises photographies qui le permettent. Déjà si une abeille amasse du pollen on peut savoir à quelle famille elle appartient. Et son sexe. Ce sont les femelles qui amassent le pollen pour nourrir les larves. Les mâles se contentent de picoler un max de nectar… ce qui exige beaucoup d'énergie et donne encore plus soif… Puis il faut noter où l'abeille accumule le pollen sur son corps? En paquet plus ou moins compact sur les pattes? Ou en tapis recouvrant tout le dessous de l'abdomen? Cela permet de s'approcher de la sous-famille ou peut-être même du genre. Ensuite si par chances quelques photos sont assez nettes pour montrer certains infimes caractères morphologiques on peut (si les dieux sont avec nous…) donner un nom à la sympathique petite abeille.



Une abeille Andrène sur la potentille. Elle ne s'intéressait pas à la luzerne lupuline.


Il y a donc les petites guêpes noires (PGN, voir le billet précédent sur le sujet) et maintenant nous avons les petites abeilles noires (PAN), toute une biodiversité au-delà de nos perceptions grossières. Les PGN et les PAN se comptent pourtant par centaines… toutes différentes. Et équitablement non-vues… Les PAN et les autres abeilles qui ne nous font pas du miel participent pourtant au même titre que notre sucreuse préférée à la pollinisation de ce que nous cultivons et des fleurs sauvages. En fait de biodiversité ce sont les PAN qui sont les grandes (les petites…) discrètes besogneuses, pas l'abeille domestique…

Un bourdon (Bombus sp.) est aussi passé en patrouille à quelques reprises, sans trop s'attarder. Les généreuses petites fleurs de la luzerne lupuline offrent amplement de nectar... pour de plus petites abeilles. Mais pas assez pour d'aussi grosses bêtes. Ce sont au moins trois espèces d'abeilles de petites tailles qui visitent régulièrement le petit jardin suspendu. En voici deux :

D'abord Andrena sp. (sur la photo plus haut). Elle arrivait puis chassait les autres (plus) petites abeilles lorsqu'elles se rencontraient sur les fleurs de potentille. Comme beaucoup d'abeilles indigènes (l'abeille à miel est une importation faut-il rappeller) les Andrènes sont actives plus tôt le matin ou au printemps. Elles ont après tout évolué dans le climat d'ici et sont moins sensibles au froid. Ces abeilles Andrènes se ressemblent beaucoup entre elles et ne sont pas faciles à identifier. Les experts en abeilles affirment que ça prend un plus grand expert pour l'identification… Je passerai donc mon tour.



Hylaeus leptocephalus (lepto, céphale : tête étroite)


J'ai eu de la chance pour l'identification de cette petite abeille. Ce sont les marques blanches sur la face qui m'ont rapidement mis sur la piste des Colletidées. En Amérique du Nord on en compte environ 150 différentes espèces dans cette famille. Il s'agit de Hylaeus leptocephalus et on la confond facilement avec certaines guêpes. Et c'est une femelle, les marques faciales du mâle sont plus grandes, elles sont fusionnées et lui donnent une face toute blanche. À 5 ou 6 mm la femelle est peu plus grande que le mâle (4-6 mm).

Cette abeille est une pollinisatrice spécialisée (on dit oligolectique ou oligolecte). Ce sont les fleurs de la famille des Fabacées (trèfles et autres) mais  surtout les Melilotus (mélilots) qui l'intéressent. Les fleurs de la luzerne lupuline sont à peu près de la même taille. À petite fleur, petite abeille. Elle ne récolte pas de pollen c'est le nectar qui la branche. L'espèce viendrait en fait d'Europe.


À gauche, sur la luzerne lupuline, une buveuse de nectar qui n'amasse pas de pollen. À droite sur la potentille une buveuse de nectar et amasseuse de pollen. Ce sont deux espèces de PAN différentes.


Dans les photos de ce billet il y quatre espèces d'abeilles et mes dizaines d'autres photos en cachent probablement une ou deux de plus. De plus je n'ai tout simplement pas réussi à photographier certaines autres abeilles, une Osmie je crois entre autres. Mais la rencontre de ces belles petites butineuses valait les quelques brefs instants ou je sortais sur le balcon pour voir ce qui se passait, qui venait par ici? Vous allez sourire : une de ces petites me rendait bien ma curiosité et c'était singulier de la voir à travers mon objectif macro tourner sa petite tête pour mieux voir la grande tête de la grande bête qui vivait (avec son appareil-photo) sur ce balcon. Elle était bien occupée et semblait prendre un instant pour me rendre mon regard curieux. Je n'ai pas la moindre idée de ce que peux bien penser une abeille de 5 mm. Mais je suis certain de l'avoir vu me faire un clin d'oeil! 


Je ne vous dis pas à demain pour le dernier billet de cette série. Mais dans quelques jours (il est déjà à moitié fait) vous aurez la conclusion du compte-rendu d'un autre safari sur place de l'inspecteur des mauvaises herbes.


Ciao!






*Les autres billets de la série:

256 pouces carrés de biodiversité 1
256 pouces carrés de biodiversité 2





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