Dans un billet précédent (publié ici et là) je vous parlais du Xénique (Xenicus lyalli), cet oiseau de Nouvelle-Zélande, maintenant disparu, et du rôle déterminant d'un prédateur souvent insoupçonné : le chat domestique (Felis catus). Les migrations humaines ont apporté le chat partout sur la planète. On en ignorait les conséquences à l'époque, mais aujourd'hui?
D'une petite île du bout du Pacifique au 19e siècle à l'île de Montréal de nos jours la même histoire se rejoue. Les chats sont responsables de la disparition d'au moins 33 espèces d'oiseaux sur la planète (9 en Nouvelle-Zélande seulement). Nous savons que le chat est un prédateur et nous célébrons son agilité et ses prouesses sans réfléchir aux conséquences pour la biodiversité. En ville, en banlieue et en campagne nous ouvrons la porte à Minet et il se retrouve ainsi dans la nature. Ce simple geste (faire prendre de l'air à Minet) est multiplié des centaines de milliers de fois… c'est alors un désolant free for all…
Minet est un chasseur et on ne songe pas qu'il soit un prédateur entretenu, assisté, subventionné de Miss Miou** en quelque sorte. Un prédateur en bonne forme, en bonne santé. Ses populations sont plus denses par ce fait, surtout en milieu urbain. Et si notre divertissant compagnon chasse, il se reproduit aussi.
S'il s'agissait de chiens, même de tout petits chiens, notre comportement serait bien différent. On les garderait dans la maison. Surtout s'ils se mettaient à chasser... nos chats par exemple... ou tout ce qui bouge. On en parlerait à Tout le Monde en Parle… Coeur de Pirate en ferait une chanson. Le chat n'est pas qu'un animal de compagnie : qui n'a pas remarqué ces crocs, ses griffes et ses prouesses de sauteur? C'est pour nous divertir vous croyez? Dire que souvent nous nous inquiétions quand Minet n'est pas rentré! De qui s'inquiète-t-on au juste? Du chat? Le danger est bien ailleurs pourtant.
La situation en Europe et en Amérique du Nord se ressemble : les populations de chats domestiques vont en croissant. Changements démographiques et populations vieillissantes, les animaux de compagnie gagnent des emplois… La Suisse a une population humaine de 7,8 millions et 30% des ménages y ont un animal domestique. On y compte 1,38 million de chats. Ce chiffre ne prend pas en compte les chats errants. En 2008 à Bristol (400,000 habitants env.) en Angleterre la densité moyenne des chats observés à l'extérieur était de 350 chats au kilomètre carré, ce qui donnait une trentaine de chats par 100 maisons.
Aux États-Unis c'est la folie féline délirante. Le nombre de chats a triplé durant les 40 dernières années et on estime que les chats domestiques sont entre 148 et 188 millions. De ceux-ci environ 88 millions sont des chats de maison dont environ 57 millions passent une partie de la journée dehors. Comme il y aurait par ailleurs entre 60 et 100 millions de chats féraux**, il y aurait entre 117 et 157 millions de chats libres de prendre l'air. Ici au Québec nos habitudes de vie ressemblent à celles des Américains. Au pro-rata les données précédentes indiquent entre 2.9 et 3.9 millions de chats au Québec. Sur l'île de Montréal on peut alors estimer à 700,000 ou 900,000 chats… partiellement ou totalement libres. Presqu'un million de minous qui vivent dehors ou qui sortent prendre l'air pour digérer un peu, faire de l'exercice ou se reproduire.
Bien sûr les chats font aussi un peu de chasse quand il sont dehors. On est même souvent fiers de leurs exploits! Combien de proies sont prises par ces millions de chats? L'American Bird Conservancy parle d'un milliard de petits mammifères (rats et souris mais aussi lièvres, écureuils et tamias) et de centaines de millions d'oiseaux. Ces derniers représentent le quart des proies. Ce ne sont pas seulement les espèces les plus communes comme les moineaux domestiques, étourneaux sansonnets et autres pigeons. Ce sont aussi des espèces indigènes comme le Cardinal rouge, le Troglodyte familier, le Merle d'Amérique, le Junco ardoisé, la Paruline jaune, même le Colibri à gorge rubis et le Merlebleu de l'Est...
Alors faites le calcul : c'est au minimum 250 millions d'oiseaux tués chaque année par les chats aux États-Unis. Au Québec ça nous donne au minimum 6.25 millions… sur l'île de Montréal c'est au strict minimum (je le répète) 1.5 million par année. Vraiment, il faut se parler! En attendant, gardez Minet dans la maison.
Alors faites le calcul : c'est au minimum 250 millions d'oiseaux tués chaque année par les chats aux États-Unis. Au Québec ça nous donne au minimum 6.25 millions… sur l'île de Montréal c'est au strict minimum (je le répète) 1.5 million par année. Vraiment, il faut se parler! En attendant, gardez Minet dans la maison.
Plus de détails dans mon prochain billet…
* ou toute autre nourriture préférée...
** un chat féral vit et se reproduit dehors, il est retourné à la nature.
Bof, ce n'est rien comparé aux chasseurs français. Pendant la saison de chasse 1998/1999, 105126 chasseurs ont tué 30 millions d'animaux. Certes, environ 15 millions d'entre eux avaient été lâchés pour ça. Mais quand même, c'est encore nous les plus ... (comme dirait Charles Tisseyre qui a tendance à abuser du superlatif)
RépondreEffacerMais attention JF, on peut dire que les chasseurs français ont tué au minimum 1 million d'animaux. Ce serait quand même vrai mais bien incomplet. À Montréal c'est AU MINIMUM 1.5 million d'oiseaux tués par les chats. Et les plumeux ne sont que le quart des proies d'un prédateur exotique, lâché sans réflexion dans la nature. Le problème va en croissant... C'est comme si les chasseurs français se reproduisaient à coup de 4 petits par année... minimum... rapidement il n'y aurait plus grand chose à chasser!
RépondreEffacerVous commettez une erreur de perspective dans votre billet. Ce ne sont pas les humains qui ont domestiqué les chats, mais l'inverse. La preuve, qui travaille pour qui dans le couple chat-humain ?
RépondreEffacerEt le vrai nom du chat domestique n'est pas Felis catus, mais bien Felix astuce («heureuse actuce»).
Plus sérieusement, le chat est le seul animal domestique qui pourrait retourner à la vie sauvage. Dans un sens, le chat n'est pas domestiqué.
Et garder un animal, domestique ou non, enfermé à la maison est cruel.
Il ne me semble pas avoir constaté une diminution de la population chez les oiseaux...
Je ne sais que vous dire. Si les humains disparaissaient, je ne suis pas sûr que les ravages du chat en seraient diminués, bien au contraire.
Je serais curieux aussi de connaître le coût environnemental de la réclusion des chats à la maison. Faudra quand même les nourrir, élever veaux, vaches, cochons, etc., rien que pour fabriquer leur nourriture. Est-ce que leurs festins sauvages ne sont pas un moindre mal ?
Et encore, quand je dis «mal», j'exporte lourdement une morale citadine sur une réalité d'un tout autre ordre : un chat adulte a 30 dents à nourrir. ;)
Dans mon commentaire, il aurait fallu lire :
RépondreEffacer«Et le vrai nom du chat domestique n'est pas Felis catus, mais bien Felix astuce («heureuse astuce»).» (Et non pas «actuce».)
(La coquille m'avait échappée... il a fallu relire trois fois pour la constater!)
RépondreEffacerVous me prenez de court ce sera le sujet de mon prochain billet. Pour répondre brièvement au commentaire :
Je partageais cette perspective, mais c'est plutôt un des nombreux cas de co-évolution avec les humains. Le chat est entré par la ferme aux débuts de l'agriculture et des cités. Son travail était de s'occuper des rongeurs et autres bestiaux qui volaient des grains.
Le contexte a changé mais son instinct de chasseur est préservé. C'est un assez étrange machine à tuer que nous admirons.
Le cas du chat est particulier : d'une part nous le soignons, le nourrissons et le protégeons et d'autres part nous nous occupons en général d'éliminer ses prédateurs : chien, coyote, renard... si nous n'étions pas là le chat n'aurait pas le champ libre et carte blanche... Il n'aurait plus cette belle fourrure et fière allure et deviendrait à son tour proie... ses populations diminueraient radicalement.
"le coût environnemental de la réclusion des chats à la maison" nous le payons déjà en retour d'un service psycho-affectif douteux... je ne fais qu'indiquer ces autres coûts 'externalisés" évitables que nous préférons ignorer. On peut choisir d'avoir ou non un chat. Je crois qu'une responsabilité doit nécessairement venir avec ce choix.
Quel bonheur de ne plus entendre ces sales moineaux piailler à longueur de jour, depuis que le chat va digérer dehors, comme vous dites... Par ailleurs, le minou, il est opéré et vacciné. Quelle belle manière, et sécuritaire de protéger les villes contre les grippes aviaires et autres maladies propages par la peste ailée et autres vermines. Vous devriez vous inquiéter davantage des corneilles des villes, qui déciment les petits des oiseaux chanteurs, bien davantage que les chats (peu d'espèces nichent au sol).
RépondreEffacerAh! Ce que c'est facile des commentaires anonymes et à côté du sujet comme celui d'anonyme ci-haut!
RépondreEffacer1- ya pas que des moineaux qui piaillent. Il y a aussi des commentateurs anonymes sur les blogues.
2- Prenez pas ça perso...je parlais pas de votre chat mais des centaines de milliers sur l'île de Montréal. Je sais que les grands nombres échappent souvent à l'attention des amateurs de simplicité.
3- la grippe aviaire dont le vecteur serait un passereau? Vous déraillez là! Poules, canards, pigeons, d'accord. Mais paruline? Donnez-moi vos références!
4- je ne vous ferai pas l'honneur d'énumérer toutes les maladies transportées par les chats...
5- si peu d'espèce nichent effectivement au sol en ville, beaucoup s'y nourrissent...
6- Le chat est un prédateur exotique entretenu. Le concept est peut-être trop abstrait pour vous? Que diriez-vous si nous domestiquions en masse un oiseau de proie et le laissions chasser à sa guise? Fini enfin les miaulements des minous insupportables!
comme si l'homme n'était pas le plus grand des prédateurs, en limite-t-on le nombre pour autant? quant aux maladies, nul besoin de bestioles pour attraper la crève...
RépondreEffacer@Anonyme Bon le coup du "et ta soeur?" La boutade facile est préférable. La réflexion n'est pas faite à l'évidence. La lecture de ce billet non plus... Bon, puisque les humains et les chats sont des prédateurs libres, ouvrons la porte à tous les chiens. Ils ont soif (et faim...) de liberté eux aussi! On en reparlera si on devrait pas en limiter le nombre... La consigne est assez simple les enfants: gardez vos chats dans la maison! D'ailleurs je sais pas si vous avez remarqué oui on limite le nombre des humains... Ça vous a sans doute échappé...
RépondreEffacerun constat: les commentaires d'anonymes ne volent pas bien hauts.
RépondreEffacerRaz les pâquerettes...
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