lundi 22 février 2010

Un allemand à Kew: Franz Bauer


Francis (son prénom anglicisé) et Platanthera lacera

Le discret illustrateur botanique au Royal Botanic Gardens de Kew, Franz Andreas Bauer (1758-1840) est un contemporain presqu’exact du français Pierre-Joseph Redouté (1759-1840). Les deux frères de Franz étaient aussi des illustrateurs botaniques célèbres à l’époque. C’est en 1790 que Bauer s’installera à Kew et collaborera (entre autre) avec le grand orchidologiste John Lindley.

Son travail analytique et maitrisé à l’aide du microscope rend visible les théories sur la classification des orchidées de Lindley. Froide précision? Il n’en est rien. Derrière cet effort de précision de la représentation il y a une volonté de comprendre et de faire connaître. Une générosité. Bauer ne recule pas devant l’utilisation de ressources graphiques qui appartiendraient en fait à la bande dessinée plus qu’à l’illustration scientifique. Avec toute la discrétion dont il capable ce sont presque des phylactères qu’il inclut dans ses planches.



Listera ovata, à droite: détail montrant les fausses gouttes de nectar

Il faut avoir observé des fleurs d’orchidées au microscope pour savoir que telle fleur ne produit pas tel que figuré son nectar... Bauer grossit les traits et nous en fait une caricature afin de rendre visible la “sudation” du liquide: bien plus inexact et didactique qu’on pourrait le supposer. Le nectar des fleurs du genre Listera ne se présente absolument pas en petites gouttes bien rondes, facilement perceptibles dans un petit canal bien creusé. Mais c’est toute la finesse que cet homme possédait: expliquer par le trait sans en avoir l’air.

C’est une question d’échelle voyez-vous. Ces fleurs sont trop petites (et phylogénétiquement anciennes, mais là je suis beaucoup trop technique!) pour avoir une glande ou un organe distinct, morphologiquement formé et reconnaissable qui produit le nectar. Ce ne sont que des cellules apparemment non-différenciées qui suintent le nectar qui se répand en nappes diffuses. Avoir reproduit fidèlement cette indistincte tache verte sur un fond vert ne nous aurait pas permis de percevoir le phénomène.




Epipactis helleborine et Orchis morio

Autant ces naturalistes du 19e siècle dominent par leur travail colossal de concentration, innovateur et patient du détail, autant nous avons perdu le sens de la lente observation et ne gardons que des jugements empressés. On y voit que la précision, allemande et masculine, maniaque du travail. On y remarque pas la perle de générosité narrative et didactique que Bauer savait offrir.

En passant notons qu’à son époque (1813) on cultivait à Kew jusqu’à 16 orchidées indigènes nord-américaines. Je ne sais pas si on réussi toujours à y garder des spécimens vivants de Cypripedium acaule, C. arietinum, C. reginae, C. parviflorum et C. pubescens ou le Platanthera lacera reproduit ci haut,  tous illustrés par notre cher Francis.

Toutes les illustrations sont tirées de The Orchid Paintings of Franz Bauer de Joyce Stewart et William T. Stearn. Timber Press,1993.

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