Voici le premier billet d'un invité au Festival Flora Urbana: celui du photographe Luc Durocher. Les photos sont toutes les siennes, je me suis contenté de les mettre "en équipe". J'espère ne pas avoir ainsi trop dénaturé les très bons clichés de Luc. J'ai aussi échantillonné et assemblé les textes qu'il m'a généreusement fait parvenir.
Punaise ambusquée et Syrphe. Mante religieuse.
Manger ou être mangé.
Nous vivons une époque pendant laquelle jamais autant d'images ont été prises d'espèces qui nous ont précédés au cours de l'évolution. On pourrait se demander d'où nous vient cet engouement, cet appétit, cette soif? Pourquoi cette frénésie, ce goût étrange, d'autres diraient cette folie? Pourquoi ce besoin de consacrer de son temps à l'observation d'espèces qui étaient là bien avant nous, qui seront là bien après nous, avec un peu de chance?
Sinon parce que, quelque part, nous avons la certitude d'être passé par là et que ce que nous observons ce sont les traces de notre propre évolution. Avant-hier j'étais ver de terre et je me suis fait manger par un limicole. Hier j'étais limicole et je me suis fais manger par un rapace. Aujourd'hui je suis un homme et je me fais manger par l'ignorance de ce que je serai demain et après-demain.
Chrysope aux yeux d'or , Hespérie des Graminées
C'est la photo qui nous prend, qui nous montre qui nous sommes: des dieux mortels en quête d'absence de temps.
Pour nous, photographes de la Nature, ce que nous photographions en dit long sur nous-mêmes car tout ce que nous photographions est nous-mêmes. Nous ne faisons donc que des auto-portraits et nos images sont des parcelles de notre être que nous montrons au monde. La qualité du regard des spectateurs, leur capacité de voir au-delà de l'image, sont plus importantes que ce que nous montrons.
Coliade sur Épervière orangée, Papillon du Céleri
Une photo, un utopique idéal, comme le fruit de tout art, une aspiration à gravir l'Everest de soi-même.
Un photographe est un architecte de l'image, un forgeron de la lumière, un dompteur de pixels. Certains ont un sens inné de la beauté et décèlent aisément les iotas ou l'Himalaya d'harmonie de formes et de couleurs dont ils sont les témoins attentifs. Le travail de l'artiste intègre celui du photographe et le transcende.
Renardeau
Ce n'est pas ce que montre une photo qui compte, c'est ce qu'on y met. Si on s'y perd, c'est qu'on s'y retrouve. Nos photos les mieux réussies sont nos plus beaux auto-portraits. Elles nous transfigurent, nous métamorphosent en révélant notre propre Nature intérieure qui n'est pas Celle des autres car notre relation avec la Nature extérieure est unique (comme celle de tout être vivant, d'ailleurs). Toute notre production est un immense album de mariage entre la Nature et soi. Nous sommes parties intégrantes de Son paysage à Elle. Elle se voit à travers nous. Sans Elle je n'existe pas, sans moi Elle serait moins montrée. Toutes mes photos sont des photos de ma Blonde. Même après cette vie jamais Elle ne deviendra une ex. Ça va prendre un joli tas d'existences avant qu'Elle ne se dévoilent entièrement, tant et aussi longtemps que je ne serai pas prêt. La patience est la qualité maîtresse du photographe Nature en particulier et de tout un chacun en général.
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