samedi 22 septembre 2012

S’entraîner naturellement (FFU-2012)


À moins de surprise, voici la dernière contribution au Festival Flora Urbana. Jasmine Kabuya nous entraîne au bord de l'eau et du fleuve où elle s'entraîne à courir ou faire de la photo et voyager dans le temps. Elle nous envoie plein de belles photos et je les mets toutes ou presque. J'ai pris la liberté de les retravailler un peu. Bon samedi!




 
Les enfants ont soupé et mon conjoint prend la relève. Je mets mes vieux souliers de course et m’échappe dans mon quartier. Une petite rue me mène à l’entrée du parc régional des îles de Saint-Timothée, un petit lieu enchanteur parsemé d’îles, bien sûr, d’histoire et de bouts de forêts pour le moins intéressants.





Je dois avouer que je suis encore étonnée de me voir persévérer à courir une fois semaine. Bof! Ce n’est pas un entraînement olympien, mais c’est mon record d’assiduité à une activité physique dans laquelle je suis la seule à injecter la motivation. Quoiqu’une certaine magie soit aussi à inclure…





Parvenue sur l’île Papineau, je tourne sur ma gauche pour joindre une digue asphaltée construite par Hydro-Québec. D’un côté, la rivière St-Charles autrefois surnommée romantiquement la rivière aux étrons. De l’autre côté, un plan d’eau calme, le Fleuve St-Laurent et au-delà, Les Cèdres, dont seul le clocher de son église qui perce la végétation nous indique qu’il y a village. La vue est sereine en cette fin de journée.






Aux abords du chemin, pousse une communauté de plantes herbacées communes pour ne nommer que les plus visibles: fraisier, achillée millefeuille, morelle douce-amère, chrysanthème, laiteron des champs. Tout l’été, j’ai observé leur évolution avec grand plaisir. À plusieurs reprises pendant la saison estivale, Hydro-Québec rasait les abords rendant le décor désolant pendant plusieurs jours. Par chance, les plantes qui avaient les pieds près de l’eau ainsi que les ormes d’Amérique, les frênes blancs, les peupliers, les cornouillers stolonifères et les vinaigriers de bonnes dimensions ne passaient pas sous la coupe !





Un tournant me fait entrer dans la forêt. Le chemin asphaltée continue et longe maintenant sur ma gauche le site clôturé de General Dynamics, une compagnie importante de la région qui produit des munitions. On ne peut s’y introduire que par les yeux pour observer cette zone tampon dont la nature est préservée, du moins jusqu’à une explosion!





Ma course alterne la marche rapide et je profite du mouvement moins saccadé pour mieux admirer ce boisé. Beaucoup de peupliers deltoïdes, de bouleaux à papiers, quelques tilleuls d’Amérique et chênes. Plus petits mais très nombreux, les cornouillers à feuilles alternes et les ronces odorantes. Cet été, j’ai fait une première rencontre avec les framboisiers noirs (Rubus occidentalis), un vrai délice qui mérite qu’on s’arrête même en plein jogging!






Je cours, je respire, je hume. M’entraîner dans un gymnase ne me manque pas ! Selon les saisons, la température, le moment de la journée, l’endroit, je sens différentes choses. Difficiles à nommer précisément. Ce sont de complexes mélanges d’odeurs. À mon nez, parviennent des bouffées parfumées et je réussis à reconnaître des tonalités : la terre, les feuilles d’une essence particulière, des plantes chauffées par le soleil, l’humidité ombragée, le foin ou les algues. Respirer à plein poumon dans cet environnement est constamment enivrant.






J’arrête juste un peu après le premier barrage, sur l’île Juillet. Je fais quelques exercices de musculation dans ce drôle d’endroit où Hydro-Québec laisse ses vestiges: conteneurs et poutres rouillés, équipements électriques, cônes délavés. Tout le matériel humain est d’une laideur alors que les végétaux sont d’une beauté ; le dernier vient adoucir le premier et donne à ce territoire un je-ne-sais-quoi d’attachant.






Pendant tout l’été, ils ont laissé pousser les prés. J’aimais pouvoir observer furtivement les plantes qui y poussaient alors que je faisais des exercices dans un escalier de métal abandonné. « Tiens de l’asclépiade ! Je reviendrai avec les enfants  pour en cueillir et on s’en fera un sirop. Ma fille aimera aussi se faire un beau bouquet de marguerites ». 




Je prends deux roches pour m’en faire des poids. Je me rappelle d’un jour où un groupe d’urubus à têtes rouges a émergé d’un grand arbre. Leurs battements d’ailes sourds m’avaient surprise. Leur vol plané au-dessus de l’eau et de la forêt m’avait fascinée. Je soulève mes roches en dirigeant mon regard sur le plan d’eau vers St-Timothée. Les ancêtres seraient bien confondus de voir ce bassin si calme alors qu’il était le plus tumultueux de tout le Fleuve avant qu’il ne soit harnaché !



Je retourne sur mes pas. Je remarque une vesce jargeau qui s’entortille sur la clôture et du bout des doigts j’attrape deux grappes de fleurs, je les secoue et les grignote. Le soleil descend derrière moi. Quelques bateaux de pêcheurs font du bruit. On entend vaguement les autos et camions sur le boulevard au sud-ouest. Les oiseaux chantent. Je vois des quenouilles qui se balancent et des phragmites qui s’agitent. Je croise quelqu’un en bicyclette. Petit salut. Malgré toutes ces présences, les lieux conservent leur sérénité. 





Pendant que je regagne l’entrée du parc, je m’abreuve du paysage qui s’est métamorphosé, maintenant baigné de clair-obscur. Même si auparavant (voir avant les enfants) je faisais de la randonnée pédestre et autres activités physiques à l’extérieur, ces quelques semaines à m’entraîner en solo dans cet environnement m’ont amenée à constater que plus que jamais bouger dans des lieux où je peux poser mon regard sur la flore et la faune me donne autant de satisfaction que l’exercice que j’accompli. Je me sens donc privilégiée d’avoir tout près de chez moi ce petit parcours dans la nature aussi empreint de nous soit-il. 









Quand elle ne voyage pas dans le temps et l'espace Jasmine travaille sur son blogue: Je suis au jardin

Jasmine est aussi sur Twitter: @jasmineaujardin





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