mercredi 25 mai 2011

Arbre rêveur (hanami junberi)



Il rêve et exhale du printemps: pouf! un doux souffle.

C'était le bon temps de l'année pour voir la tribu discrète : la floraison des amélanchiers. Quelques jours dans les Laurentides à une période où je ne suis pas souvent allé. Peut-être jamais. Délaisser mes lieux familiers en ville et faire route une bonne heure et demi vers le lac à l'Équerre. Je ne suis pas souvent allé à la mi-mai : je m'en souviendrais...




L'amélanchier de son pinceau ponctue délicatement l'ombre de la forêt. Avec ses prédilections réfléchies de se placer devant les autres, s'arquant vers la lumière. Pourquoi s'obstine-t-il, le malicieux, à rappeler aux conifères la blancheur perdue qui les mettaient bien en valeur? Se prend-il pour neige? Il s'y plaque contre les plus grands: devant il y a la lumière et derrière, après tout, ne trouve-t-il pas protection contre le vent? C'est peut-être le secret confort de son pied-à-terre ici et là en marge de la forêt, le long des ruisseaux et des lacs. Ou des chemins.




Il rêve et exhale du printemps: pouf! un doux souffle. Lumière du bois et comète de la forêt, l'amélanchier est furtif et passager. Ce n'est qu'à ce temps de l'année que son bref moment fleuri révèle son peuple émergeant un temps de l'ombre. Il n'est pas rare mais petit, souvent délicat et quand il n'a plus que sa feuillaison nous le confondons avec les innombrables cerisiers des alentours. Ici et là s'épand l'amélanchier, pas en nombre comme ses cousins qui parfument en bons assistants son entourage. 




S'il fallait qu'il soit parfumé l'amélanchier, ce serait de trop. De trop beau. J'ai bien senti quelques qu'extraordinairement discrets parfums mais ce n'est probablement qu'un accidentel vestige d'attribut de sa famille: les Rosacées. Ou peut-être finalement que mon attente botanique olfactive! Cousin du rosier, du prunier et du pommier et il faut bien qu'il y ait un parfum! Non?




Je suis surpris de constater à quel point l'amélanchier (comme l'aubépine) se montre en milieu ouvert par les humains. Au bord d'un chemin si celui-ci est une percée dans la forêt toutefois, pas un chemin traversant un champ. L'amélanchier se spécialise dans ces endroits où il sera adossé à de grands arbres. Jamais à découvert. Sa brièveté cherchant compensation par la situation avantageuse. Il a quelques chose à dire. Il rêve et il doute dans l'air incertain.

Ouvre-t-il le printemps ou ferme-t-il l'hiver?



Producteur de nuage de blancheur il ne s'arrête pas à l'agrément des toujours-verts conifères. Le long des chemins et sentiers c'est bien, le long des cours d'eau et des lacs c'est mieux.

Dans le vite printemps il est plutôt dernier rappel de l'hiver passé et c'est en reprenant à son compte l'apparence de flocons éphémères qu'il est emblématique du renouveau laurentien. Ainsi une pluie même fine et la moindre brise détachent les pétales qui se pressent au sol. Même à ce moment c'est vite fait: vous repassez et il n'y a même plus ces traces blanches du furtif.



Un peu de vent donc et les fleurs déjà fatiguées laissent aller un puis deux pétales. La pluie finit bientôt le travail. Au sol mouillé dans la mousse, les feuilles et les débris de la végétation les pétales se dissolvent après s'être froissés. Plus vite qu'un dessin à la craie d'un enfant sur le trottoir s'efface sous les pas des passants et les intempéries.  À l'an prochain. Peut-être.



Bientôt vert dans son camouflage de guerrier de l'ombre, un temps petit vainqueur de la noirceur, maintenant petit arbre indistinct, juvénile sans éclat, il fera quand même festin. Loin de nos yeux mais pas de celui des oiseaux il murira lentement ses petites pommes. Après la constellation blanche qui nous fait spectacle foudroyant il en prépare une autre plus lentement : les fruits. Et nous ne serons pas là.

En un séculaire hanami sans regard humain, vite fait en silence le nuage s'évanouit. Parti mon junberi




Si vous aimez l'amélanchier je vous en reparlerai. Je vous parlerai aussi de ces compagnons aperçus dans mes excursions laurentiennes. Ça vous dit?



2 commentaires:

  1. Oh que oui ça me dit - J'aime ces ballades poétiques dans la nature canadienne !

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  2. Ces fleurs, on dirait, de profil, dans certaines photos, des papillons, des libellules. Le texte est bien. Les photos aussi. Ensemble, la magie opère.

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