lundi 26 octobre 2009

La voix muette du peuplier 3



genre Gentils Géants


On ne croise pas souvent de baleines dans les grands océans. Il n’y a pas de point de vue qui permettrait d’embrasser toute l’immensité des flots et les épars cétacées à la fois. Question d’échelles différentes. On ne voit pas non plus nos grands amis urbains que sont les peupliers deltoïdes et leurs cousins. Mais il faudrait bien trouver un point de vue pour apprécier nos Géants Verts.

Les byzantins avaient été impressionné (avec raison) par une baleine nommée Porphyre qui avait vidé de ses poissons la mer de Marmara. Nos peupliers qui vident l’air du gaz carbonique ne méritent-ils pas autant d’attention? Ou plus? Ces arbres font si souvent un travail de l’ombre...Ils sont après tout nos adjoints, croyons-nous, en nettoyage général de l’air. C’est déjà pas mal et il y a encore tellement plus.

J’ai déjà mentionné qu’il y a des arrondissement à Montréal qui interdisent les peupliers. Et de façon générale ils sont méprisés par bien des gens: ils ne sont pas nobles, ce ne sont que de fragiles arbres ne vivant pas longtemps. Des colonisateurs qui sont surtout utiles à préparer la venue des vrais arbres....



un petit futur géant, un géant invisible et le Balmville Tree


Pourtant...dans la vallée de l’Hudson (New York) à Balmville il y a cet individu nommé le Balmville Tree. C’est une très ancienne erreur d’identification, “Balm of Gilead” étant le nom d’un peuplier hybride exotique apparenté au peuplier deltoïde. Notez que la ville porte le nom de l’arbre qui porte à son tour le nom de la ville. Pourquoi ce jeu d’écho entre un lieu et un arbre? Notre baleine verte est née en 1699! L’arbre est plus vieux que la République des États-Unis...un arbre remarquable...qui marque la place.

Il est né entre le procès des sorcières de Salem et la fondation de Saint-Pétersbourg par Pierre le Grand. Notre arbre prend racine l’année de la mort de...Racine. J’ai recours à l’échelle humaine du temps (ou à la notion même de durée...) pour accorder de la noblesse à cet arbre. Mais les arbres ne sont pas là pour nous épater...même à 310 ans!




Nicolas, peuplier en résidence au Champ des Possibles


Les arbres nous rendent de nombreux services on le sait: régulation de la température et de la qualité de l’air. Tout ça pour nous, n’est-ce pas? Ce n’est pas entièrement faux: nous faisons après tout partie de la biodiversité. Les peupliers urbains, qui ne sont pas plantés par nos services, sont par contre bien co-optés par la biodiversité urbaine en-dehors de nous. Et les critères sont alors un peu différents des nôtres.

En Amérique du Nord pour la seule espèce Populus deltoides ce sont les chenilles de plus de 44 espèces de papillons qui s’en nourrissent dont celle du Morio (Nymphalis antiopa). Si on considère les différentes espèces de peupliers ce nombre atteint 771, dont 581 au Canada. Les prédateurs les plus importants des larves de papillons sont les oiseaux, qui eux, à n’en pas douter, savent bien reconnaître les peupliers et être reconnaissants de leurs "autres" services! En milieu urbain ces arbres colonisateurs sont une ressource fondamentale de la biodiversité. Ils font littéralement du sol: pensez un instant à la quantité de matière organique que représente la chute des feuilles de ces arbres à l’automne.

Les peupliers invisibles sont grandement utiles... demandez aux autres...



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