Autrefois zone industrielle aujourd’hui une friche. Paysage sans paysagiste.
Dans un commentaire à un billet précédent Kyra se disait curieuse de voir ces paysages. En l’absence d’une définition en bonne et due forme voici quelques paysages anthropiques. Friches industrielles, terrains vagues, espaces verts non-comptabilisés dans nos inventaires, ces lieux ont en commun d’être anthropiques: ils sont une fabrication directe ou indirecte des humains (anthropos). Mais il s’agit en fait d’une co-production...
J’étais à assembler ces panoramas alors je me suis pressé un peu afin de satisfaire la curieuse. Les photo-montages ne sont pas tous parfaitement à mon goût, c’est un work in progress comme on dit. Par quelques notes, revenons un instant sur l’approche d’une définition de “paysage anthropique”.
Le CESM, une carrière désaffectée gigantesque ayant ensuite servi de dépotoir devient un complexe environnemental et un parc. Un paysage éventré, puis empli, puis nivelé. Finalement il sera nommé paysage. Qu’était-il donc?
Un paysage anthropique est non-seulement issu d’une fabrication humaine directe ou indirecte il est aussi le produit d’une fabrication volontaire ou involontaire. Que ce soit la topographie même des lieux, ruines, buttes et dénivellations, fossés, etc. ou le mélange biogéographique des espèces vivant avec les humains ou adaptées à leurs extravagances. Espèces indigènes et exotiques, le tout dans une écologie et réinvention et en co-évolution: la novécologie. Le paysage est toujours en construction. Il est aussi toujours habité.
On peut le regarder à deux échelles: celle du paysage-tableau d’abord que vous pouvez constater sur ces photos-montages panoramiques. Une autre échelle est moins perceptible toutefois: il s’agit de la biodiversité qu’on y trouve. Quand on regarde un paysage on y voit bien sûr l’effet d’ensemble ou les perspectives. Les grands machins de notre grand regard particulier. On y voit les arbres mais en tant que catégorie décorative ou masses vertes, de simples taches de couleur sur ce que nous avons encore l’habitude de considérer comme un tableau. Une vue sur notre propriété, notre territoire.
Habitée par les faucons et les éperviers, l’autre carrière. Le bout de mes pieds est au bord du trou de cent mètres! L’expérience du sublime en ville.
Mais de quels arbres s’agit-il? D’où viennent-ils? Ce sont là souvent des questions superflues, sans grand intérêt. Si on regarde ces êtres massifs que sont les arbres avec un pareil détachement, imaginez le sort que l’on réserve aux plantes, oiseaux et insectes! Ils n’existent tout simplement pas, trop petits, furtifs, sans intérêt... “Le paysage et son appréciation n’a pas besoin des ces petites choses”. Vraiment? Si le vent a porté les semences de ces arbres colonisateurs il porte aujourd’hui le son vivant de ses résidents. Et l’humain faisant l’expérience du paysage? Peut-il sentir le vide et le vent fort? Qui a dit que le paysage doit être souple et plat, doux, sécure et stérile? L’appréciation humaine du paysage doit-elle exclure l’émotion et ses habitants?
Le boisé Milot. Un grand Champ des Possibles dans l’est de l’île à Anjou, avec falaise. Un paysage en ré-assignation. La friche devient habitat en co-gestion.
Potentiel de paysage et paysage potentiel, tantôt vestige industriel ou agricole, triage ferroviaire ou carrière, la plupart de ces paysages sont des non-villes, des pas-villages ou des sans-noms! Ce sont aussi des milieux de vie: des habitats, des paysages habités. Je les ai visité avec étonnement et plaisir à chaque fois et le printemps n’arrivera pas trop vite afin de reprendre mes périgrinations. J’en profiterai pour raffiner ma réflexion...
Ce travail est pour mon prochain livre en patiente élaboration. J’hésite entre quelques possibilités. Quelle formule visuelle utiliser afin de montrer ces deux échelles du paysage? Celle des humains et celle de la biodiversité. Je suis en fait occupé à préciser mes intentions au sujet de mon Précis des terrains vagues! Aimant la torture je considère aussi la possibilité de l’auto-édition en ligne avec un service comme celui de
Lulu par exemple. Liberté (relative...) de l’auteur au prix du levier de diffusion d’un éditeur?
Alors doit-on dire paysage anthropique ou habitat anthropique? De la perspective “culturelle” il s’agit du premier. D’un point de vue naturaliste du second. L'expression "paysage habité" me semble un bon compromis! Ma maison s’y trouve...
J’ai bien d’autres panoramas et je vais en déposer bientôt quelques-uns de plus dans mon
Flickr (allez-y!), en attendant que je termine mon site web un de ces quatre!
Toutes ces photos ont été prises sur l’île de Montréal. Aucun humain n’a souffert.
J’espère avoir vos commentaires!