Chalybion californicum. Que cherche cette guêpe?
Dans le billet précédent je vous disais qu'il y avait constamment une ou deux guêpes maçonnes (Chalybion californicum) et fréquemment une pélopée maçonne (Sceliphron caementarium). Toutes sont des guêpes solitaires et il est intéressant d'observer les interactions entre elles. Les guêpes maçonnes réutilisent les nids de la pélopée maçonne en retravaillant la boue séchée avec un peu d'eau. Elles ont probablement intérêt à la suivre à la trace afin de localiser son nid. Mais voilà, les femelles de guêpes maçonnes sont en fait en compétition et elles se battent et chassent les autres pour être seules en compagnie de la pélopée maçonne. Elles ne veulent pas partager le butin que constitue une adroite constructrice de nid de boue!
Les feuilles sont collantes disais-je en terminant le précédent billet… allons voir...
Ah! Ces petits trucs sur les feuilles ce sont des pucerons… Je n'avais jamais vu cette espèce d'un jaune terne avec des taches et des poils noirs. Je ne les avais pas tout de suite remarqué et à ma décharge il faut dire que les premiers jours (vers le 23 juin) il n'y en avait pas beaucoup. De plus, mon attention était portée au spectacle des grandes guêpes. Les larves du puceron sont petites, bien plus petites que les adultes qui ne font que 1.5 mm. Il n'y en avait pas beaucoup, à mes yeux tout le moins! Clairement les guêpes avaient, elles, estimé la population assez grande pour venir faire la cueillette à volonté. C'est cela qui explique la présence des guêpes. C'est court la saison des "fraises"… il faut en profiter. Ce sont quand même de bien petites proies! Mais commodes à prendre, sans effort et elles sont en nombre croissant exponentiellement! L'attrape-plante est un véritable garde-manger. Et le manger s'y reproduit par parthénogènèse, des clones de femelles clonant d'autres femelles, clonant des femelles... En fait il s'agit peut-être d'un seul individu arrivé discrètement sur cette terre promise couverte de luzerne lupuline. Le génie génétique a fait le reste...
En fait en regardant attentivement chacune des photos publiées dans le billet précédent on les voit partout… trop petites pour attirer l'attention ou le réflexe de les identifier…
J'ai cherché afin de voir s'il est habituel que ces grandes guêpes chassent des pucerons. Je n'ai trouvé aucune référence à ce fait. Peut-être que ces guêpes ne trouvent pas assez de leur proies habituelles dans la ruelle et profitent de la manne apparemment infinie de pucerons?
Therioaphis trifolii (puceron tacheté)
Tout le monde, les jardiniers les premiers, connaît les pucerons. En général du moins. On compte 450 espèces de pucerons au Québec et celle qui nous occupe est Therioaphis trifolii, son nom commun est le puceron tacheté en France. En anglais on le nomme spotted alfalfa aphid (entre autres, dépendemment de la "race" et de la plante hôte, une longue histoire...). Ce puceron ne se trouve que sur les plantes du genre Medicago : la luzerne cultivée ou alfafa (Medicago sativa) et ici dans mon attrape-plante c'est Medicago lupulina, la luzerne lupuline qui l'attire.
Sur le mode de reproduction des pucerons je vais pas me casser la tête à rédiger ce qui l'est déjà adroitement, je cite Claude Pilon:
"La méthode de reproduction des pucerons est absolument fascinante. Au printemps, les oeufs éclosent et donnent vie à des femelles qui n'ont pas besoin de s'accoupler pour se reproduire. Ces fondatrices sont vivipares et accouchent de femelles pucerons, elles aussi vivipares et prêtes à donner la vie sans fécondation préalable. Plus encore, à ce stade de son cycle de vie, une femelle peut porter un embryon femelle qui porte également un embyon. Le petit puceron est dans le ventre de sa grand-mère! On parle alors de générations télescopiques. Ce n'est qu'à la fin de l'été qu'une génération d'adultes sexués est produite. Après l'accouplement la femelle ovipare pond des oeufs qui hiverneront jusqu'au printemps suivant."
Si les pucerons vous intéresse voyez le site très complet de Claude Pilon :
Générations télescopiques, fascinant, non? De l'autre bout de l'équation écologique il y a aussi une prédation intense... la dégénération en entonnoir!
Alors revenons à nos guêpes… la guêpe maçonne profite des nids (en fait des cellulles ayant déjà produit un adulte qui l'a quitté) de la pélopée maçonne. Où on trouve la dernière on trouve la première. Mais ce n'est pas tout! Où on trouve ces deux on trouve aussi cette troisième:
Chrysis angolensis, une guêpe-coucou. Je ne suis pas totalement certain de l'identification de l'espèce mais le genre ne fait pas de doute. Cette belle guêpe est parasite (en fait
cleptoparasite) de
Sceliphron cementarium : elle pond ces oeufs dans des cellules déjà approvisionnées en araignées paralysées par la pélopée et expulse l'oeuf ou la larve qui s'y trouve. Voilà pourquoi on les appelle des guêpes-coucous. Il semble qu'alternativement la femelle Chrysis ponde directement sur les larves de Sceliphron.
On croit qu'elle a été introduite du Vieux-Monde durant la Deuxième Guerre Mondiale, dans des nids de Sceliphron sur de l'équipement militaire qui revenait. Cette petite guêpe serait responsable des importante fluxuation de population de Sceliphron caementarium.
Il y a encore d'autre guêpes que j'ai observé sur mon attrape-plantes et je songeais un instant le renommer attrape-guêpes!
Cette petite guêpe noire (disons une PGN!) par exemple. Elle aussi est prédatrice et a une fine gueule : elle portait un soin expert à choisir les pucerons. Pas trop gros ou ailé (quel faute de goût!) ni trop petit. À la bonne taille : hop! elle le prenait dans ses mandibules et s'envolant rapidement. Mais pas sans avoir fait un curieux vol de gauche à droite, comme une boucle en huit applatie devant l'attrape-plante, deux ou trois fois. Curieuse danse de la prédatrice avec son trophée de chasse? Plus prosaiquement elle mémorisait peut-être ainsi le terrain de chasse...
À cette taille les petites guêpes noires, les PGN, me sont impossibles à identifier. Il y a beaucoup trop d'espèces très similaires et mes photographies ne donnent pas assez de détails pour même approcher une détermination. De plus pour faire exprès toute les photos ont été faites par temps pluvieux, couvert ou venteux! En plus de n'y rien connaître! Tout ce que je puis ajouter pour aider à sa détermination c'est que ce n'est pas une de ces minuscules guèpes parasites qui pondent leurs oeufs dans les pucerons vivants… Elle ne les piquait pas, elle les… piquait! Ce n'est pas une guêpe parasitoïde.
Voyez cette page sur les parasitoïdes des pucerons :
Ehsan Rakhshani
Polistes dominula, la guêpe poliste.
Et pourquoi s'arrêter là dans l'énumération des guêpes attirées par les pauvres pucerons trop bon à croquer. Enfin… disons que bien que mous et pas croquant du tout ils doivent être bien délicieux!
En terminant donc voici une guêpe qui nous est bien plus familière. Où il se passe quelque chose, n'importe quoi diront les mauvaises langues, il y a toujours Polistes dominula! Elle complète la liste des guêpes observées mais je reviens samedi avec les autres insectes… Vous ne croyez quand même pas que l'histoire est terminée… Oh! Non!
À suivre donc!