Jeanne Gagnon m'a fait parvenir ses réflexions et l'historique sur l'aménagement d'une ruelle dans l'arrondissement Plateau Mont-Royal à Montréal. J'ai abrégé le texte sous forme d'extraits. Jeanne qui fût l'initiatrice et le promoteur de l'embellissement et du verdissement de cette ruelle de 1998 à 2008 peut être fière: j'ai visité avec grand plaisir cette galerie d'art en plein air l'automne passé. J'ajoute ici mes photos au texte de Jeanne.
C’était l’époque où quelques ruelles vertes surgissaient sous l’appellation « ruelles soleil ». Et voilà qu’en l’été 1998, une lecture du Journal ICI me fera découvrir l’existence de ruelles ennoblies par des projets de verdissement. Dès lors, je me surprendrai à rechercher la ruelle afin d’en évaluer le potentiel.
La ruelle pourrait nous donner tant de bonheurs inédits si le projet «Ruelle Soleil» aboutissait dans les quartiers du Plateau Mont-Royal. Ainsi, les fleurs de nos jardins pourraient se prolonger dans la ruelle. Ce qui serait bien plus que ces quelques fleurs qui vont par-delà le treillis de nos jardins.
À ce jour, personne ne s’aventure dans les ruelles autrement que par nécessité. Il en devient tout autrement pour la « ruelle soleil »! Car il s’agit d’un lieu fréquentable, à savoir un lieu d’échanges et de décloisonnement. Déjà, en brisant l’isolement que veut la cité, la « ruelle soleil » favorise de facto les plus vulnérables (…). De lieu interdit, la ruelle devient ressource, espace conquis, espace de convivialité. Pourquoi ne pas anticiper que cette ruelle conduise citoyens et citoyennes au politique?
La ruelle Modigliani doit son nom à un restaurant qui, à l’époque, avait pignon sur rue, angle Gilford et Brébeuf.
De 1998 à 2000, je m’adonnerai aux démarches politiques nécessaires à l’évolution du projet de verdissement, à savoir signature d’une pétition venant affirmer les appuis du parrainage en vue d’une réorientation de la ruelle. Certes, je ne pouvais oublier que les transformations liées au verdissement exigeaient de tenir compte d’un sentier ultra bétonné dont l’un des versants nord-sud alignaient quantité de portes de garages.
Lentement s’introduira l’idée de murales afin de s’approprier ce que je voyais « espaces interdits » à cause d’une vocation utilitaire impossible à changer. J’ai voulu passer à l’action. Je ferai commande d’une première murale après autorisation du propriétaire, lequel me donnera carte blanche tant pour la thématique que pour les mensurations. L’immense fresque fut exécutée par France (nom d’artiste). J’avais commandé un lion à crinière mais le sujet renverra à un chat ésotérique imposant et significatif d’une mutation.
La mue de la ruelle se faisait perceptible par les comportements individuels et collectifs. La ruelle n’était plus lieu de passage fortuit, car elle invitait maintenant aux partages. De fait, riverains-riveraines s’appropriaient la ruelle à partir de galeries et terrasses. Au fil du temps, un propriétaire s’adonnera, sans complexe aucun, à l’exploration de son imaginaire cubiste sur les portes de son garage. Cette murale viendra ajouter aux réussites artistiques de la ruelle.
Ainsi, dans la versatilité des palettes, et au fil des ans, les espaces ayant semé le doute sur la faisabilité du projet se couvriront de murales signées par les artistes France, Christine Blanchette, Denis Cardinal, Chloé, Jean-Paul Gobeil, JÉMO alias Jérôme Mousseau Tremblay, Magalie Paquet et Yves Paradis, MAJ alias Marc-André Jutras.
Jeanne dans la ruelle et au Champ des Possibles.
Je vois le projet de la ruelle Modigliani tel un projet inachevé, tout en le considérant de l’ordre d’une réussite. Ces dix années m’ont prouvé que tout modèle de participation possède une valeur d’ancrage et d’influences.